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Page:Revue maritime et coloniale, tome 18.djvu/571

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séjour ressemblant à un vaste jardin, et dont toutes les cases sont ombragées par des tamariniers, des manguiers, des aréquiers, des cocotiers, des papayers, des bananiers, des pamplemoussiers, des pommiers-canelliers, des acajous, des orangers, des caramboliers, des jacquiers, des arbres à pain, des bignonias aux larges fleurs d’un rouge éclatant, et beaucoup d’autres arbres. Autour de leurs troncs grimpent le bétel aux feuilles d’or et de belles lianes laissant pendre des baies que la brise balance au-dessus de la tête des nombreux et bruyants enfants des deux sexes, à peu près nus, qui jouent dans ces frais jardins.

Les cases, bien tenues, clair-semées, entourées de jardins bien cultivés, communiquent entre elles par de jolis sentiers bordés d’euphorbes et d’arbustes fleuris, qui parfument, l’air et charment les yeux.

Les habitants de Cho-quan sont chrétiens, laborieux, et jouissent d’une modeste aisance relative ; ils fabriquent des soieries, des cotonnades, des articles d’orfèvrerie, de petits meubles incrustés de nacre ou fouillés à jour ; mais leur principale industrie est la fonte du cuivre, du bronze, voire même de l’or et de l’argent qu’ils transforment en bijoux.

Ce village possède une église et un vaste hôpital ; ce dernier, longtemps affecté aux malades du corps expéditionnaire, a été livré aux malades indigènes, qui trouveront là le grand air, l’aréquier et le bétel qu’ils aiment tant, et, ce qui vaut mieux encore, le dévouement, les soins empressés des sœurs de Saint-Paul de Chartres et des chirurgiens de la marine attachés à l’établissement.

Puisque nous avons quitté les bords de l’arroyo pour faire une excursion dans les jardins de Cho-quan, nous allons continuer notre route et nous diriger du côté des Mares. La pagode, que nous nommons Pagode des Mares, à cause de deux petites mares situées devant son enceinte, est connue par les indigènes sous le nom de : Pagode de la fidélité éclatante[1]. C’était une sorte de Panthéon annamite, renfermant les tablettes des grands hommes, parmi lesquelles se trouvaient celles d’un Français, matelot breton, nommé Manuel, et que les Annamites ont nommé Man-oê. Mais, depuis notre installation dans le pays, les habitants ont effacé les caractères de ces tablettes, afin que nous ne puissions pas connaître les hauts faits et les titres de ce brave ma-

  1. L’enclos des mares renferme deux pagodes, l’une dite Hôi-dong, et l’autre Huin-cong-than, mais il n’est question ici que de cette dernière.