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Page:Revue maritime et coloniale, tome 18.djvu/573

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Chacun de ces génies a sa légende plus ou moins effrayante, que les vieillards racontent le soir, couchés sur la natte, entourés de leurs enfants et de leurs petits-enfants, qui écoutent en tremblant.

Une des dépendances de la pagode et la moitié de l’enclos ont été consacrées à l’établissement d’un haras, dont la direction a été confiée à un officier de cavalerie connaissant à fond la science hippique.

C’est au Nord des Mares qu’est située la vaste Plaine des Tombeaux. Quelques-uns des innombrables monuments funèbres qu’elle contient sont magnifiques ; ceux des Chinois sont généralement en forme de fer à cheval ; ceux des Annamites sont, ou des pyramides élancées, ou de jolies petites pagodes en miniature, ou enfin de modestes tombes affectant la forme grossière d’un cheval couché tout sellé. Tous ces petits édifices de la ville des morts sont construits en briques ou en terre, puis recouverts d’une couche épaisse d’une sorte de plâtre délayé dans une sève visqueuse que l’on obtient en faisant infuser dans l’eau les branches et les feuilles d’un arbre appelé cay hoïouc par les indigènes. Ce plâtre, facile à mouler, et auquel on donne une couleur brune, devient en séchant aussi dur que la brique, et imite la pierre au point de tromper à première vue[1].

Comme partout, les pauvres ont des monuments très-simples qui consistent en tumulus affectant la forme de pyramides tronquées, sur lesquelles on simule une ou plusieurs tombes, suivant que ces tumulus recouvrent les restes d’une ou de plusieurs personnes. Nous avons compté jusqu’à dix petites tombes sur la base supérieure d’un de ces troncs de pyramides.

À côté de ces monuments, on rencontre parfois des cadavres à peine recouverts d’un peu de terre ; quelquefois même le cercueil est apparent et, chose qui n’a pas de nom, effondré. On avait sans doute déposé ces cercueils avec l’intention de les couvrir d’un tumulus, mais la guerre a fait périr ou fuir les parents des défunts.

Cet immense cimetière est très-renommé et c’est un honneur que d’y être enterré ; il reçoit non-seulement les morts de la contrée, mais encore ceux des provinces voisines qui, avant de mourir, ont choisi ce lieu de sépulture. Ce choix occupe beaucoup les Annamites ; il y en a même qui veulent mourir là où ils désirent être enterrés.

  1. On se sert avec succès de cette substance pour parqueter les maisons.