Aller au contenu

Page:Revue maritime et coloniale, tome 18.djvu/575

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

Le plus beau Banian (figuier des Banians) que j’aie vu en Cochinchine est sans contredit celui qui se trouve près de Saigon, à côté du village du Banian, auquel il donne son nom, sur la route qui conduit au village de Binh-hoa, par le deuxième pont de l’Avalanche. Le tronc de cet arbre majestueux est formé d’un grand nombre de tiges soudées ensemble ; et, comme si les racines de ce tronc ne suffisaient pas à l’entretien de son vaste dôme, des tiges droites, partant des principales branches, tombent verticalement et viennent s’implanter dans le sol pour y prendre racine et y puiser les sucs supplémentaires nécessaires au géant. Ces tiges, qui ressemblent à d’élégantes et sveltes colonnes, forment des portiques, des couloirs frais et ombreux, où on aimerait à se retirer pour respirer à l’abri des rayons d’un soleil impitoyable, si ce n’étaient les nombreux reptiles qui y ont élu domicile.

Ce bel arbre est animé par des pigeons verts qui viennent en becqueter les baies (les figues), et que nos chasseurs, assis sous un tamarinier voisin, tuent sans fatigue comme sans pitié.

Près de ce colossal représentant de la végétation cochinchinoise s’élèvent quelques banians, d’une autre espèce, dont les indigènes mangent les feuilles. Ces arbres, dépourvus de verdure, présentent un aspect des plus tristes.

En traversant l’arroyo de l’Avalanche par le premier pont, on rencontre le village de Phu-mi, à l’entrée de la route de Bien-hoa, puis, en remontant la rive gauche du même cours d’eau, on débouche dans une grande, belle et fertile plaine, remarquablement bien cultivée : c’est la plaine du Go-viap. Rien dans les environs de Saigon n’est aussi animé que ce coin de terre : ici ce sont des travailleurs qui, presque nus, se traînent sur le sol en arrachant les arachides, et qui, costume à part, rappellent nos cultivateurs récoltant leurs pommes de terre ; là, des jardiniers qui arrosent les légumes destinés au marché de Saigon, et des cultivateurs qui soignent le coton et le murier[1]. Enfin on rencontre dans tous les sentiers des hommes, des femmes et même des enfants ployant sous le poids des denrées qu’ils portent soit à Saigon, soit au village considérable du Go-viap, grand marché de cette riche contrée, que l’on ne traverse que le mouchoir sous le nez, à cause de la forte odeur de poisson salé et de nuoc-mam qu’exhale chaque cabane.

  1. La soie du Go-viap étant de très-bonne qualité pourrait devenir la source d’une industrie lucrative.