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Page:Revue maritime et coloniale, tome 18.djvu/576

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En continuant la promenade, on aperçoit de belles plantations de tabac, objet de soins tout particuliers de la part des Annamites, qui consacrent une grande partie de la journée à arroser cette plante. Chaque champ a son puits à balancier, semblable à ceux que l’on rencontre en France, dans nos villages champenois, bourguignons ou lorrains. Ces balanciers, presque continuellement en mouvement, donnent à la plaine une grande animation.

À côté des plantations, paissent des troupeaux d’énormes buffles, à tête large, armée de longues cornes bien plantées et formant un grand croissant. A la vue des Européens, ces colosses, renversant la tête en arrière, allongeant le cou et tendant le muffle en avant, regardent d’un air étonné, en soufflant avec colère. Quelquefois ils se ruent sur l’étranger et le blessent ou le tuent à coups de cornes. Cependant ces animaux sont assez doux avec les Annamites, et un enfant, âgé de douze à quinze ans, suffit à la garde d’un troupeau.

De tous les points de la plaine, on entend le chant du merle gris, ami du cultivateur, qu’il suit à distance, en se régalant des vers que celui-ci déterre ; le chant de l’alouette, virtuose aérien, qui semble quitter la terre pour aller habiter un ciel qui, dans la saison sèche, est d’une incomparable pureté et verse sur la terre qu’il féconde des flots d’éblouissante lumière.

À quelques kilomètres de Saigon se trouve une jolie pagode, agréablement située au milieu d’un charmant bosquet, rendez-vous habituel des promeneurs. Ce monument a été élevé par ordre de l’empereur Gia-long en l’honneur de Mgr Georges Pigneau de Béhaine, évêque d’Adran et vicaire apostolique de la Basse-Cochinchine, et renferme les restes mortels de cet homme éminent qui jeta les premiers fondements de notre domination dans le pays.

L’histoire de ce prélat, chez qui la pratique des vertus évangéliques et le zèle apostolique n’amortirent jamais l’amour de la patrie, n’est pas assez connue en France, et nous ne pouvons résister au désir d’en dire quelques mots, en attendant qu’une plume plus autorisée que la nôtre sauve de l’oubli une si belle vie.

Georges Pigneau de Béhaine naquit en 1741, dans un village des environs de Laon. Il arriva en Cochinchine en 1767, et fut nommé plus tard évêque d’Adran et vicaire apostolique de la Basse-Cochinchine, pays dont la destinée était de devenir français. Mgr d’Adran devint l’ami et le conseiller intime de Gia-long,