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Page:Revue maritime et coloniale, tome 18.djvu/578

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voir le couronnement de son œuvre. Il mourut en 1799, entouré de l’estime et de l’admiration générales. Le roi, accompagné de la famille royale, alla le visiter pendant sa maladie, et, après sa mort, le pleura comme on pleure un père ; il assista, ainsi que sa mère, la reine, ses sœurs et ses concubines[1], aux funérailles de son excellent ami et sage conseiller. Chrétiens et idolâtres accoururent en foule autour de celui que les uns et les autres appelaient leur bon père.

Les obsèques furent toutes royales, et le corps du digne apôtre fut, conformément à sa dernière volonté, enterré dans un jardin qu’il possédait dans les environs de Saigon. C’est dans ce jardin même, et sur le tombeau du prélat, que Gia-long lui fit élever la pagode actuelle, où se trouvent des tablettes exaltant ses mérites, ses talents, les services qu’il rendit au pays, rappelant l’amitié qui l’unissait au roi, et énumérant ses titres, parmi lesquels on distingue la première dignité après la royauté, le titre d’instituteur du prince royal, et le surnom d’accompli.

C’est surtout pendant la saison sèche, alors qu’il y a chaque nuit illumination au ciel, qu’il faut aller visiter ce délicieux jardin, où reposent les restes d’un illustre enfant de la France, et revenir à Saigon à travers la Plaine des Tombeaux, à la clarté des étoiles, par une de ces belles soirées, calmes et douces, pendant lesquelles des bruits monotones, mystérieux et vagues, bercent et font rêver si agréablement le promeneur.

Cholen, que l’on désigne souvent sous le nom de Ville Chinoise, était comprise, tout récemment encore, dans l’immense périmètre que l’on avait tracé comme limites de Saigon. Mais on a dû modifier le plan d’une ville qui devait, croyait-on, contenir 500,000 habitants, et le réduire à des proportions plus modestes.

La ville de Cholen en ayant été distraite, a maintenant sa municipalité et son administration particulières. Elle communique avec Saigon par trois routes : l’arroyo chinois, la route proprement dite, et le boulevard Chasseloup-Laubat.

Quiconque n’a pas vu Cholen depuis deux ans est agréablement surpris en trouvant, au lieu d’une cité boueuse, aux rues étroites et fétides, une ville nouvelle ayant su conserver son cachet oriental, avec des rues larges pour la plupart, et de jolis quais bordés de maisons aux murs blancs ou peints, aux toits rouges, quelques-unes à plusieurs étages, toutes originalement

  1. Le titre de concubine n’a rien de déshonorant en Cochinchine. (P. C, R.)