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Page:Revue maritime et coloniale, tome 18.djvu/707

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On s’est souvent demandé si l’adoption de l’islamisme était un progrès pour les noirs. On ne peut guère nier que l’islamisme, quoique ses imperfections deviennent si flagrantes au contact d’une société plus éclairée, ne soit un progrès sur un état social où le caprice souvent extravagant du maître est à peu près la seule loi. On pourrait citer mille faits atroces à l’appui de ce que nous avançons ; contentons-nous de celui-ci, qui n’est que comique. Daou Demba, roi du Cayor, en 1640, défendit à ses sujets de saler leurs aliments, parce qu’il n’était pas convenable que de simples sujets se servissent d’un condiment dont le roi faisait usage.

D’un autre côté, sous le rapport de l’administration de la justice, si les cadis musulmans laissent quelquefois à désirer, on ne peut pas non plus nier qu’ils ne soient un progrès réel sur les grands féticheurs, ministres-sorciers-empoisonneurs officiels des rois nègres idolâtres, pour lesquels le poison est, comme on le sait, le seul mode de gouvernement et le seul procédé judiciaire.

El Hadj Omar et ses fils ou neveux fondèrent donc dans ces dernières années l’empire Poul d’occident. Son point de contact avec nos possessions est à Médine, à 250 lieues en remontant le Sénégal ; il a besoin de nous, surtout pour avoir des armes, de la poudre, des balles et des pierres à fusil. Nous sommes plus à portée de lui procurer tout cela que les comptoirs anglais de la Gambie, où il en achète cependant aussi.

C’est comme ambassadeurs pacifiques auprès de cette nouvelle puissance que MM. Mage et Quintin furent envoyés en 1863 pour activer nos relations commerciales avec elle et voir s’il n’y aurait pas avantage pour nous à créer de nouveaux comptoirs encore plus dans l’intérieur que Médine ; mais de grandes difficultés attendaient nos envoyés, car la lutte dure encore sur ce point. Les populations réfractaires au Coran n’ont pas encore déposé les armes, et les musulmans y font un effort suprême pour consolider l’œuvre d’El Hadj Omar, et devenir maîtres incontestés de ces belles, riches et populeuses contrées, et alors sans doute chercher à balancer les progrès de la France.

Le vieux monde africain, régénéré par la demi-civilisation musulmane, galvanisé par le fanatisme, pressent que c’est par cette brèche de la vallée du Sénégal que la race européenne, et son cortège d’idées et d’institutions, pénétrera avant peu jusqu’au cœur de ce continent arriéré, et, par l’instinct de conservation naturel à toute chose, il cherche à se défendre de cette invasion.