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P. SALMON. — L’ATLANTIDE ET LE RENNE

continent entouré d’abîmes de plusieurs milliers de mètres de profondeur et recouvert au moyen de 50 à 200 mètres d’eau seulement. Ce piédestal de la France et des Îles Britanniques n’est autre chose que la base de terres anciennes démolies par le travail continu des vagues[1]. C’est la fondation d’un édifice continental disparu[2]. »

Le plateau télégraphique n’est pas le seul ; connus ou inconnus, il y en a d’autres. Le prince de Monaco, lors de son expédition de l’année dernière, en a rencontré un nouveau vers 90 kilomètres dans le sud de l’archipel des Açores ; à une profondeur de 241 mètres seulement, le banc avait 55 kilomètres de tour et présentait deux points culminants de 76 et 190 mètres.

« Y a-t-il eu réellement, continue G. Hervé, une extension atlantique de l’ancien continent ? C’est ce que des faits de plusieurs ordres permettent d’inférer légitimement. Les travaux des géologues français et américains ont révélé une Atlantide dont l’existence repose sur des données précises.

« Depuis longtemps on avait signalé (G. Hervé) les nombreuses identités entre les espèces animales vertébrées et invertébrées tertiaires et quaternaires vivantes et fossiles des deux côtés de l’Océan Atlantique (Lyell, Antiq. 479-485 — Hamy, Précis, 71 — Trouessart, Géogr. zoologique, 79, 323). Des botanistes, comme Unger et Oswald Heer, étaient amenés par l’étude des flores fossiles à plaider en faveur d’un continent atlantique tertiaire fournissant la seule explication plausible qu’on pût imaginer de l’analogie entre la flore miocène de l’Europe et la flore actuelle de l’Amérique orientale (Lyell, 405 — E. Blanchard, Les communic. terrestres entre les continents pendant l’âge moderne de la Terre, in Revue sc., 1891).

« Ce qui intéresse le plus dans ces faits (G. Hervé), c’est non seulement le passage, au pliocène, du Mastodon de la région paléarctique à la région néarctique, mais surtout celui de l’El. antiq. (El. Jacksoni du Canada, El. Colombi du Texas, de l’Alabama, du Mexique) et de l’El. primigenius, au chelléen et au moustérien.

« Enfin des instruments chelléens ont été recueillis dans le drift ou le lœss américain (Kansas, vallées de la Rivière Plate, du Mississipi, de la Delaware, de la Susquehanna, Mexique), sur le versant atlantique (Brinton, Thomas Wilson).

« Il n’est donc pas douteux (G. Hervé) : 1o qu’à un moment l’Amérique s’est trouvée réunie à l’Europe et que cette réunion existait encore au milieu du quaternaire[3] ; 2o que l’homme s’est répandu d’un continent à l’autre à travers le continent atlantique ; mais il est impossible d’admettre que la jonction ait été seulement établie, comme le pensait Darwin, par les régions septentrionales de l’ancien et du nouveau monde presque continuellement réunies par des terres que le froid a rendues depuis infranchissables. Un tel

  1. Nous ajoutons : et des tremblements de terre classiques, furieux agents de dislocation, qui n’ont cessé de menacer et qui atteignaient hier encore les Antilles (la Guadeloupe).
  2. El. Reclus, I, 12.
  3. Le présent travail recherche si l’Atlantide n’aurait pas subsisté jusqu’à la disparition du renne dans l’Europe occidentale.