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REVUE DE L’ÉCOLE D’ANTHROPOLOGIE

passage est tout à fait insuffisant pour expliquer l’exode de nombreuses petites coquilles terrestres de même espèce des deux côtés du pont, ainsi que pour les plantes. Cette jonction s’étendait certainement beaucoup plus au sud. »

Nous nous associons à ces judicieuses appréciations de G. Hervé, en expliquant que, selon nous, pour le peuplement de l’Amérique, il convient de mettre en réserve l’existence présumée d’une race atlantique à laquelle pourrait être attribué le relèvement du front de nos Magdaléniens, race qui, grâce au pont, aurait sans doute porté les mêmes éléments ethniques vers l’ouest, en Amérique, où nos Chelléens ont pu passer aussi au moment probable du développement de notre industrie quaternaire prenant les formes acheuléennes.

Dans tous les débris des terres atlantiques, dans toutes ces îles habitées ou dépourvues d’habitants, lors de leur découverte par nos modernes navigateurs, des recherches attentives s’imposent : celle des instruments paléolithiques et celle des restes humains contemporains. L’utilité de ces investigations pourrait être signalée à un savant prince, membre de la Société d’anthropologie de Paris, qui fréquente ces parages pour d’autres études et qui peut-être voudrait bien s’associer à une œuvre d’archéologie préhistorique.

De nombreux savants, dans tous les pays, ont écrit : les uns, que l’Atlantide n’avait pas pu dépasser la période tertiaire ; les autres, qu’elle avait pu atteindre la période quaternaire, mais sans déterminer d’une manière précise les temps de la disparition.

Parmi les géologues, de Lapparent estime[1] que « la fin du pliocène et la majeure partie du pléistocène ont été marquées par une suite d’effondrements, dont le résultat définitif a été d’ouvrir entre l’Europe et l’Amérique la fosse de l’Atlantique septentrional ».

Or nous savons que le renne a séjourné chez nous de l’époque moustérienne jusqu’à la fin de l’époque magdalénienne, mais sans jamais dépasser le versant nord des Pyrénées ; convient-il d’admettre que cette chaîne de montagnes formait la limite méridionale de l’aire géographique du renne, parce que l’interposition de l’Atlantide arrêtait encore le réchauffement du Gulf-Stream trop loin, sur l’Océan, et maintenait à notre pays le climat froid du Nord ? Si le renne ensuite fut contraint de remonter, n’est-ce point par la température graduellement adoucie qu’a procurée à notre pays l’effondrement successif dont nous parlons, faisant place de proche en proche au courant d’eau chaude et lui permettant enfin de baigner dès lors nos côtes ; nos régions, désormais inhospitalières, inhabitables pour l’herbivore tarandien, sont abandonnées par lui et il gagne, au nord, les terres et les neiges où se cache son indispensable alimentation.

Peut-on considérer comme une démonstration complémentaire de l’existence de l’Atlantide, l’habitat du renne prolongé dans nos régions jusqu’à la fin de l’époque magdalénienne ?

  1. Traité de Géologie, 3e édition, Paris, Masson, 1893, p. 1392.