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Page:Revue militaires suisse - 47e année - 1902.djvu/454

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Le général de Négrier est plus formel encore : il ne veut pas de réserve du tout. Il dispose ses troupes sur plusieurs lignes distantes d’une lieue les unes des autres, pour que les coups destinés à la première ne risquent pas d’atteindre la suivante. La répartition de ses forces ainsi faite, il lance tout cet ensemble de lignes en avant, à la façon de « vagues » successives qui viennent ou se briser contre le même rocher, ou le ronger.

Mais on reproche à ce système d’éloigner tellement les renforts qu’ils ne peuvent agir opportunément si l’ennemi prend la supériorité. Des troupes placées à une heure de distance les unes des autres sont dans la situation des Curiaces que l’unique survivant des Horaces arriva à abattre successivement. Même en terrain découvert, il y a quelque exagération à laisser dégarnies de troupes des zones larges de quatre kilomètres. Mais il n’y a jamais de terrain complètement découvert. On dispose toujours d’obstacles, de plis de terrain, d’habitations, de clôtures, derrière lesquels les soutiens pourront être en sécurité tout en se rapprochant de façon à être en état d’intervenir efficacement, s’il y a lieu, pour se substituer à la première ligne quand ses forces physiques ou morales seront épuisées, ou encore quand elles seront au bout de leurs munitions.

Je pense qu’on attribue au général de Négrier une doctrine trop intransigeante. Je sais bien que, d’après lui, les réserves ne sont pas faites pour appuyer les attaques, mais pour les renouveler quand elles sont épuisées. Mais, d’après lui aussi, elles servent, jusque-là, à assurer les flancs et les derrières de la ligne de combat.

Nous avons vu que le commandement en arrière a pour attribution essentielle non de diriger la lutte, mais de l’alimenter. C’est lui qui décide l’extension qu’il donnera au front et qui, en conséquence, fixe les effectifs à y envoyer. Il en résulte que, une fois ces fractions lancées dans la direction de l’ennemi, il conserve dans la main des troupes de toutes armes. C’est là cette réserve dont il est appelé à faire un usage judicieux, soit qu’il l’emploie comme seconde vague, soit qu’il la garde pour arrêter un insuccès partiel ou pour poursuivre un succès également partiel.

Car, maintenant que les deux fronts de combat sont à peu