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près parallèles et qu’ils se fusillent ou se canonnent mutuellement, il se produira, dans l’un des deux partis, en certains points des défaillances[1] dont l’adversaire devra profiter dès qu’il s’en sera aperçu.

À ce moment, le premier qui constatera le silence et l’immobilité d’un tronçon de la chaîne adverse, s’il n’attribue pas cette attitude à une feinte, se précipitera en avant suivi de ses camarades, s’il est simple soldat, de sa troupe, s’il est gradé, les autres gradés poussant au besoin les tirailleurs si ceux-ci sont tentés de se cramponner à leur abri et ne se soucient pas de s’exposer à tomber dans une embuscade. Car le répit observé, l’espèce de trêve et de détente qui s’est produite, peut-être leur cause est-elle dans le manque de munitions, peut-être dans la lassitude, dans cette sorte d’engourdissement qui envahit à la longue les soldats les mieux trempés, lorsque leur système nerveux a été trop longtemps tendu et lorsqu’ils finissent par s’abandonner. Peut être l’ennemi est-il décimé et découragé. Mais peut-être aussi, las d’une mousqueterie sans résultat, s’est-il tu uniquement pour inciter ses adversaires à se découvrir. Quoi qu’il en soit, ceux-ci finissent par être entraînés par l’exemple et l’appel des plus audacieux, aiguillonnés par les officiers restés en serre-files et qui les excitent. Ils sortent de leurs abris ; par un bond rapide, ils se rapprochent du point muet, et ils vont même jusqu’à l’occuper… s’ils ne sont pas tués avant.

Mais s’y maintiendront-ils ? C’est douteux. Pour peu qu’ils aient affaire à un ennemi qui ne soit pas lâche et qui ait été élevé dans les idées nouvelles de la défensive à outrance, auquel on ait enseigné, par conséquent, qu’il ne faut jamais se laisser déloger du poste qu’on occupe, ou qu’on doit le reprendre si, par malchance, on en a été dépossédé, dans de telles conditions, dis-je, la position en pointe que l’agresseur aura conquise sera bien vite intenable. Isolé au milieu de la ligne de bataille adverse, dans laquelle il aura pénétré comme un coin, cet agresseur sera en butte aux coups de ses voisins de droite et de gauche, ainsi que des coups qu’il recevra de face. L’infanterie et l’artillerie feront converger presque automatiquement leurs feux sur lui, et, avant que d’être installé, il

  1. Elles pourront être provoquées par les obus-torpilles, par tirs projectiles tombant de ballons dirigeables, par les opérations de nuit, par des moyens nouveaux et inédits, produisant cette surprise effarée que cause l’inconnu.