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Page:Revue pédagogique, année 1897.djvu/1158

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REVUE PÉDAGOGIQUE

mais elle ne s’arrête pas pour juger leur caractère et leur talent. Ce dont elle a souci, c’est moins des « héros de l’humanité » que de la grande foule des combattants qui tous les jours, sans gloire, mais non sans mérite, soutiennent les luttes de la vie. D’un mot, l’éducation nationale de l’Écosse fait l’objet propre de son examen.

Aussi bien, comment pourrait-on se placer à un meilleur point de vue pour faire connaître la nation elle-même ? Car « l’Écosse s’est vouée aux intérêts intellectuels, à la culture de la plus haute éducation ». Par ses musées, ses bibliothèques, ses institutions scientifiques, artistiques de toute sorte, Édimbourg est une sorte d’Athènes que l’on imite, sur tous les points du pays, avec une ardente et généreuse émulation. Et, pour nous donner de la nature de cette éducation l’idée la plus juste, Mme Quinet nous montre son origine historique et son résultat le plus exquis et le plus achevé dans une page qui est comme le centre de tout l’ouvrage et à laquelle tous les développements viennent se rattacher :

« La liberté, l’ordre et la paix gouvernent ce pays d’Écosse livré pendant des siècles aux guerres civiles, aux superstitions, à la misère noire, et qui a trouvé la prospérité, la vraie civilisation dans la démocratie presbytérienne… Le point capital, le grand bienfait de la Réforme, c’est qu’elle s’est identifiée avec l’éducation des masses, avec la moralisation, avec la liberté et l’indépendance du peuple écossais. Une démocratie presbytérienne, voilà ce que Knox a fait d’un royaume inféodé à la politique des Guises et à la dépravation des mignons de la cour des Valois. Aujourd’hui, après trois siècles et demi, l’empreinte de Knox est aussi visible que l’amour de la patrie écossaise, l’austérité et la piété du peuple. Oui, l’Écosse me fait l’effet d’une république presbytérienne, sans fanatisme, très tolérante pour les autres, mais très religieuse.

» Les femmes écossaises, dans toutes les classes de la société, sont profondément imprégnées de cette ferveur. La proverbiale honnêteté écossaise, l’ardent amour du pays, la culture de l’intelligence, voilà les traits des Écossaises. Elles sacrifieraient leur vie à la patrie, comme elles l’ont fait à toutes les époques de l’histoire ; et ce caractère fier, austère, n’exclut aucun sentiment féminin ; elles ont le culte du foyer, du ménage, du confort, les amusements mêmes les passionnent. J’ai vu de près le household écossais aujourd’hui encore, façonnée par la civilisation moderne, familiarisée avec toutes les découvertes de la science dont profite le bien-être général, hospitalière et sympathique, la femme écossaise conserve dans son for intérieur le serment que Knox y a implanté comme dans une citadelle inviolable. »

L’influence de Knox, le portrait de la femme écossaise, voilà les deux sujets sur lesquels Mme Quinet ne se lasse pas de revenir ; et, en vérité, là est non pas seulement le centre, comme je disais, mais le cœur même de son livre. Car elle n’a pas voulu que son ouvrage ne fût bon qu’à satisfaire la curiosité des lecteurs ; elle a songé surtout à