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Page:Revue pédagogique, année 1919.djvu/289

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QUESTIONS ET DISCUSSIONS

A-t-il su les mettre en état de se débrouiller promptement en pays étranger ? Nous vivons une époque où il n’est plus permis de s’enfermer dans ses murs. Les relations internationales vont se multiplier, les peuples échanger des visites ; nous ne nous contenterons pas d’en recevoir sans jamais les rendre. Les instituteurs et les institutrices devront apprendre à voyager, à consacrer chaque année une partie de leurs vacances, une fraction de leur budget, à parcourir une terre étrangère. Mais il serait d’un médiocre profit de circuler à la suite de quelque agence Cook qui parle, compte et pense, si pensée il y a, pour vous. On ne pénètre bien la vie d’un peuple que si l’on parle sa langue. Il faut donc que nos élèves pyrénéens pratiquent l’espagnol, les Provençaux l’italien, et j’allais dire tous l’anglais, car l’anglais aujourd’hui est une langue mondiale, l’organe de la civilisation la plus agissante, langue commune de l’action, comme au moyen âge, et jusqu’au seuil du xviiie siècle, le latin fut la langue commune de la pensée. Mais c’est peut-être trop demander, au moins avec nos programmes actuels.

Ainsi, l’acquisition d’une langue vivante apparaît à l’heure présente comme d’un intérêt primordial. Loin d’être un luxe, elle constitue une obligation, un devoir, pour ainsi dire, international, ou, si l’on préfère un autre motif, un devoir envers notre patrie, qui ne peut s’isoler sans se diminuer : à ce titre seul, les instituteurs, qui doivent aller de l’avant et montrer le chemin, sont tenus de connaître au moins une langue étrangère.

Que si cependant l’on traite de vision cette esquisse de demain, plaçons-nous, pour défendre l’enseignement des langues vivantes, sur un autre terrain. Une langue étrangère n’est pas seulement une langue qu’on parle, c’est aussi une langue qu’on traduit ; le thème, et surtout la version sont d’incomparables instruments d’éducation intellectuelle. La composition française ne les supplée pas. Exprimer sa propre pensée n’est pas un travail facile, mais tant y a que l’inspiration soutient en quelque mesure, que de temps en temps jaillissent, du fond de l’inconscient, des trouvailles heureuses : le moins doué a de ces réussites dont il s’étonne tout le premier : « Où prend mon esprit toutes ces gentillesses ? » La traduction ferme délibérément la porte à l’imagination intellectuelle, ou ne l’admet qu’au service