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Page:Revue pédagogique, année 1925.djvu/308

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REVUE PÉDAGOGIQUE

tessori, sa cadette italienne : le même esprit de liberté inspire les deux doctrines. Mais, si la « maternelle » n’est pas un jardin d’enfants, elle n’est pas davantage une maison livrée aux enfants. Or, dans la « casa del bambini », Mme Kergomard redoutait de voir s’installer l’anarchie. Si soucieuse qu’elle fût de faire respecter la libre initiative, elle n’accordait pas moins de prix à la culture du sens social. Et elle craignait que les méthodes individualistes de Mme Montessori n’eussent une influence fâcheuse sur une société comme la nôtre où l’’individualisme risque déjà de devenir excessif, Ainsi, tout en acceptant d’introduire dans sa doctrine, si libérale et si souple, les apports étrangers qui pouvaient s’y fondre, elle revendiquait avec raison pour l’école maternelle française le droit d’avoir sa physionomie propre et sa structure originale.

Si nous vivions dans d’autres pays où les questions pédagogiques attirent davantage l’attention, le nom de Pauline Kergomard serait aussi célèbre que celui des auteurs à qui je viens de la comparer. Mais, en France, par cela même qu’elles sont souvent officielles, les théories sur l’éducation demeurent impersonnelles et presque anonymes. Si bien que beaucoup de maîtresses de nos maternelles appliquent depuis de longues années les idées de Mme Kergomard sans se douter que leur ancienne Inspectrice générale mérite de trouver place dans l’histoire de la pédagogie. Mais il est de notre devoir de lui faire rendre justice. Nous n’y faillirons pas.

Sa doctrine, Mme Kergomard l’a propagée et défendue, de 1879 à 1917, avec une ardeur admirable. Elle eut tout d’abord à combattre la résistance volontaire ou involontaire des maîtresses des salles d’asile : les unes étaient franchement hostiles À ses conceptions, les autres n’avaient pas le courage de rompre avec leurs pratiques traditionnelles. C’est à vaincre ces résistances qu’elle employait ses tournées d’inspection. A plus de quarante ans de distance, je garde le souvenir précis de sa visite dans la petite ville où j’ai passé mon enfance : j’ai été, après son départ, le témoin de l’émotion éprouvée par la directrice de l’école maternelle. Je manquerais à La sincérité — et Mme Kergomard ne me le pardonnerait pas — si je dissimulais que dans cette émotion entrait un peu d’effroi. Mais la résis-