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Page:Revue pédagogique, premier semestre, 1879.djvu/5

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REVUE PÉDAGOGIQUE

lés ; ils rient et pleurent facilement ; ils ont des joies immodérées et des afflictions amères sur de très-petits sujets ; ils ne veulent point souffrir de mal, et aiment à en faire. Ils sont déjà des hommes[1]. » De petits êtres âgés d’un an à peine ont déjà en eux les rudiments de toutes leurs passions de l’âge mûr, avec cet avantage immense que tout cela est encore tendre, flexible, et peut être modifié, extirpé au besoin sans grande peine, mais aussi avec cet immense danger que tout cela se dissimule sous les apparences du besoin, se parc des grâces du premier âge, trompe ou même flatte l’indulgence excessive, l’affection volontiers aveugle de la famille. C’est pourquoi les auteurs y ont fortement insisté dans leurs livres. Cette importante question doit, à notre avis, venir immédiatement après celle du développement corporel. À l’éducation des organes succède celle des sentiments, des passions, de la volonté. On arrive enfin à celle de l’intelligence.

Cette faculté entre, il est vrai, en exercice à peu près en même temps que la sensibilité et la volonté. Mais son activité première est pour ainsi dire fatale ; elle échappe à toute direction. Par les sens, une foule de notions, non les moins importantes, pénètrent dans l’esprit de l’enfant ; mais cet esprit reste passif : la nature vient vers lui, elle l’envahit de toutes parts, et il se laisse faire. Il acquiert sans mérite, presque sans attention, un prodigieux savoir. La nature, en supposant qu’elle ait besoin d’aide, a celle de la mère et de la nourrice, et nous ne croyons pas que les plus instruites la secondent mieux à cet égard que les plus ignorantes. L’art n’intervient qu’après, lorsque l’in-

  1. Les Caractères, De l’homme. — Voir aussi saint Augustin, Confessions, 1. I, ch. 19.