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Page:Revue pédagogique, premier semestre, 1881.djvu/287

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UN INSTITUTEUR NÈGRE À TOMBOUCTOU

même au Maroc, à la suite de sa captivité. On y trouvera la révélation d’un mouvement littéraire au milieu de peuplades qui étaient regardées comme abruties par le fétichisme. Nous possédions bien des renseignements sur les productions du sol et sur le commerce de cette contrée presque mystérieuse ; nous en avions aussi sur les mœurs des indigènes ; mais de leur vie intellectuelle quelques faibles notions nous étaient à peine parvenues. Ibn-Batoutah et El-Bekri sont les seuls géographes qui nous aient laissé une description permettant de reconnaître la domination de l’islamisme dans la Nigritie. De son côté, l’historien Ibn-Khaldoun rapporte avec fidélité quélques notes qu’il tenait des cheikhs Otman et Ibn-Ouaçoul. La science serait donc réduite à ces éléments incomplets, sans la découverte du livre d’Ahmed-Baba, le Tombouctien.

Nous avons plusieurs biographies de lui ; les plus connues sont la notice écrite par Abou-abdallah-el-Merrakechi et son autobiographie placée à la fin du Tekmilet-ed-Dibadj. À l’aide de ces documents, il nous sera facile de mettre en lumière la vie et le caractère d’un nègre qui ne doit pas moins sa célébrité à ses écrits qu’à ses infortunes. Ahmed-Baba descendait d’une famille de savants. Son père, son oncle, son grand-père, ainsi que plusieurs de ses ancêtres, avaient rempli les fonctions d’imam, de mufti, de cadi, de professeur, dans la capitale du Soudan[1]. On lit dans le Tekmalet-ed-Dibadj, fol. 180, v° : « L’auteur du présent recueil biographique est Ahmed-ben-Omar-ben-Mohammed-Akit-ben-Yahia-ben-Koudalata-ben-Bekr-ben-Nik-ben-Lak-ben-Tachta-ben-Tabkar-ben-Hirân-ben--

  1. Au xive siècle, Melli était la capitale de la Nigritie ; mais déjà avant la fin du xve, Tombouctou était devenue la résidence du roi.