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Page:Revue pédagogique, premier semestre, 1885.djvu/396

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REVUE PÉDAGOGIQUE

facultés dont l’éducateur ait à réclamer plus souvent le service : il n’y en a pas qu’il doive plus se préoccuper de développer et de former en vue de la préparation à la vie. Elle est la source directe d’un grand nombre de nos connaissances et la gardienne de toutes. Et M. Bain n’hésite pas à dire qu’ « elle est la faculté qui joue le plus grand rôle dans l’éducation ».

La mémoire chez l’enfant. — C’est précisément à l’âge où l’on a tout à apprendre que la mémoire est le plus naturellement forte. Les pédagogues sont d’accord pour reconnaître que l’enfance est l’époque privilégiée de la mémoire. M. Bain estime que la période où la « plasticité du cerveau » et la puissance d’acquisition de l’esprit sont à leur maximum s’étend de la sixième à la dixième année. L’enfant en général est si heureusement doué sous le rapport de la mémoire, qu’il retient des mots et des phrases qui n’ont pas de sens pour lui, ou même qui n’en ont aucun.

C’est que la mémoire est en grande partie sous la dépendance des forces vitales et du système nerveux. Chez l’enfant, dont le cerveau croit chaque jour, dont les nerfs vibrent avec l’énergie qui n’appartient qu’à des forces jeunes et encore naissantes, dont la sensibilité n’a rien perdu de sa force et de sa vivacité première, la mémoire doit nécessairement se développer avec une merveilleuse facilité. Plus tard, chez l’adulte, chez l’homme mûr, les puissances réfléchies de l’esprit viendront en aide à la mémoire ; mais elles ne réussiront pas à égaler cette mémoire spontanée du premier âge, ouverte à toutes les impressions, produit naturel et aisé d’organes jeunes et encore inemployés.

De plus, la force de la mémoire de l’enfant profite de la faiblesse et de l’inaction des autres facultés. L’esprit est encore vide : par suite il s’emplit sans effort. Plus tard les préoccupations, les soucis, les réflexions personnelles obstrueront plus ou moins le chemin aux impressions du dehors. Les souvenirs nouveaux auront de la peine à trouver place dans une intelligence déjà encombrée de souvenirs anciens. Ils se brouilleront et se confondront dans l’esprit, comme des caractères nouveaux qu’on voudrait graver sur un papier déjà couvert d’impressions.