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Page:Revue pédagogique, premier semestre, 1885.djvu/398

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REVUE PÉDAGOGIQUE

tifiées par le renouvellement des mêmes impressions ; comme des peintures délicates où le pinceau doit repasser plusieurs fois pour maintenir les couleurs fugitives et toujours prêtes à s’effacer.

Caractères de la mémoire enfantine. — La mémoire de l’enfant a ses qualités propres et aussi quelques défauts.

Les qualités, c’est d’abord, chez les enfants bien doués, une rare puissance d’acquisition. Tandis que la mémoire fatiguée du vieillard se complaît à évoquer paresseusement les images du temps écoulé, celle de l’enfant est toujours en mouvement, toujours en quête de connaissances nouvelles, aussi facilement acquises qu’elles sont avidement cherchées. L’enfant voit tout, entend tout. Rien n’échappe à ses sens jeunes et vifs. Il distingue les objets, les personnes. Il a une merveilleuse aptitude à retenir les mots, à apprendre les langues ; dans certaines conditions il en apprend deux et trois à la fois. Ce que l’adulte et l’homme mûr ne feront qu’au prix d’un travail pénible, alors que la mémoire surmenée sera devenue rebelle à l’enregistrement des notions nouvelles, l’enfant le fait avec aisance et sans y songer. |

Un autre caractère de la mémoire enfantine, c’est la précision littérale, l’exactitude rigoureuse du souvenir. M. Legouvé compare justement l’enfant à un commissaire-priseur qui note tout, qui n’omet aucun détail. Avec une ponctualité digne d’être citée en modèle à l’historien, l’enfant se rappelle les moindres particularités des choses. Quand vous lui racontez une fable, une histoire qu’il connaît, ne vous avisez pas de changer un seul trait, un seul mot : sans quoi vous entendrez ses cris, ses protestations : « Ce n’est pas cela ! »

En revanche la mémoire de l’enfant a des faiblesses que le progrès de l’âge peut seul corriger. Elle pèche surtout en ceci qu’elle est peu apte à localiser exactement dans le temps les souvenirs qu’elle a acquis. La mémoire complète suppose une appréciation de la durée dont l’enfant est incapable, parce que. cette appréciation exige la coordination des souvenirs. Qui n’a entendu des enfants de deux ou trois ans raconter comme un événement d’hier un fait dont ils ont été les témoins plusieurs mois auparavant ? Les souvenirs flottent trop souvent dans