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Page:Revue pédagogique, premier semestre, 1885.djvu/407

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ÉDUCATION DE LA MÉMOIRE

était inutile, et de cette façon l’esprit était sacrifié à la lettre. On reconnaît enfin que dans ces cas comme dans les autres, plus on donne d’attention au signe, moins on en donne à la chose signifiée[1]. »

Nous retrouvons ici les défauts habituels de M. Spencer, ses affirmations hautaines, absolues, dépourvues de mesure et par suite de justesse. Qu’on ait abusé autrefois, qu’on abuse encore des leçons, personne n’y contredit ; nous nous rappelons encore quelles pénibles et lourdes heures d’étude nous passions au collège, à répéter à voix basse de longs textes grecs, latins et français. Mais parce qu’on a trop appris par cœur autrefois, au collège et même à l’école, est-ce une raison pour ne plus apprendre par cœur du tout ?

Arguments pour et contre. — Les adversaires de la récitation font valoir divers arguments.

Les pédagogues américains se distinguent par la vivacité de leurs attaques. Ainsi M. James Johonnot prétend que le système d’enseignement qui consiste à faire apprendre par cœur n’a plus sa raison d’être dans les sociétés modernes, où il s’agit moins de maintenir des traditions aveugles et un respect irréfléchi du passé que de fortifier la raison et de favoriser la réflexion personnelle[2].

L’argument ne vaut évidemment que contre un système de récitation à outrance, où l’on demanderait le mot à mot littéral dans tous les enseignements, même dans ceux qui le comportent le moins, comme les sciences et la morale.

D’autres pédagogues objectent que le résultat des exercices de mémoire ne vaut pas le mal qu’on se donne pour l’atteindre. Quel profit y a-t-il pour l’élève à réciter des phrases toutes faites, à acquérir une science purement verbale ? Savoir par cœur n’est pas savoir, disait Montaigne. De plus la récitation littérale exige un effort intense, et de grands sacrifices de temps. L’esprit se fatigue et s'use dans cet effort. Et pendant que l’élève se tourmente et peine sur ses leçons, le temps passe, un temps précieux qui pourrait être mieux employé.

Nous répondrons que pour certaines choses au moins l’idée ne

  1. L’Éducation, p. 97.
  2. Principles and practice of teaching, New-York, 1881, p. 171.