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Page:Revue pédagogique, premier semestre, 1885.djvu/408

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REVUE PÉDAGOGIQUE

peut se séparer des mots qui seuls l’expriment convenablement, et qu’il est par conséquent nécessaire de retenir exactement. Nous ne sommes vraiment maîtres de nos idées que quand nous avons trouvé les mots propres pour les exprimer. Dans un assez grand nombre de cas, savoir par cœur est le seul moyen de savoir. D’un autre côté, l’effort est nécessaire en éducation : il n’est pas bon de trop ménager l’enfant et de le tenir quitte de tout travail de mémoire verbale, parce qu’il aura compris et vaguement retenu le sens de ce qu’on lui enseigne.

Les objections que nous venons d’examiner portent donc plutôt contre l’abus de la récitation, employée sans mesure et mal à propos, que contre l’usage discret et modéré de la récitation littérale dans les matières où elle est indispensable.

Où la récitation littérale est nécessaire. — Un pédagogue anglais, M. Fitch, a nettement établi la règle qui détermine les matières où la récitation littérale est nécessaire.

« S’il s’agit simplement de faire retenir des pensées, des faits, des raisonnements, laissez l’élève les reproduire à sa guise et dans son langage. Ce n’est pas le moment de mettre en branle la pure mémoire verbale. Mais si les mots qui servent à l’expression d’un fait ont par eux-mêmes une beauté propre, s’ils représentent quelque donnée scientifique, ou quelque vérité fondamentale qu’on ne pourrait exprimer aussi bien en recourant à d’autres termes, alors veillez à ce que la forme aussi bien que la substance de la pensée soit apprise par cœur[1]. »

D’après cela il est aisé de fixer la limite que la récitation ne doit pas franchir. En grammaire, les règles principales ; en arithmétique, les définitions ; en géométrie, les théorèmes ; dans les sciences en général, les formules ; en histoire, quelques sommaires ; en géographie, l’explication de certains termes techniques ; en morale, quelques maximes, voilà ce que l’enfant doit savoir mot par mot, verbatim. Et encore, bien entendu, à la condition qu’il comprenne parfaitement le sens de ce qu’il récite, et que son attention soit appelée sur la pensée non moins que sur l’expression. Il ne faut confier à la mémoire que ce que l’intelligence a parfaitement compris. Pour tout le reste, il faut

  1. Lectures on teaching, Cambridge, 1881. Ce livre est le résumé d’un cours de pédagogie professé en 1881 à l’université de Cambridge.