s’en rapporter à la mémoire large des pensées, non à la mémoire stricte des mots : et il est aussi fastidieux qu’inutile, aussi dangereux que pénible, de faire réciter de longues pages d’histoire, de grammaire ou de physique.
Les exercices de récitation. — Il y a pourtant un autre emploi important de la récitation : c’est l’étude des beaux textes, des morceaux de prose et de vers, dont il convient d’enrichir et d’orner la mémoire des enfants. « Les exercices de récitation littéraire ne sont pas assez pratiqués dans nos écoles[1] ». Il n’y a pas de meilleur moyen de former le goût des élèves, de leur apprendre à sentir et à goûter l’éloquence de la poésie, la force des belles pensées et le charme du beau langage. Une lecture même étudiée ne suffit pas toujours : il faut y joindre de temps en temps cet effort particulier d’attention que réclame la récitation verbale. Par là vous obligez la mémoire à un effort particulièrement énergique, à une véritable concentration de l’attention. Par là vous obligez l’enfant à parler. Par là enfin l’enfant pénètre plus intimement les procédés et l’art des grands écrivains : il s’approprie leur style ; il se fait un trésor intérieur de beaux modèles, que l’esprit se remémore inconsciemment quand il est appelé à écrire à son tour. La récitation des auteurs n’est pas seulement un exercice de mémoire : elle est un exercice de langue, un exercice de prononciation et une excellente préparation à la rédaction, à la composition personnelle. Nous ne nous dissimulons pas d’ailleurs la difficulté que présente le choix des morceaux de récitation. Il faudrait, en effet, dans les pages qu’on fait apprendre par cœur, trouver réunis et le talent de l’écrivain et la simplicité d’une pensée juste et saine, populaire en quelque sorte, à la portée du jeune auditoire que l’on instruit.
Abus de la récitation. — Qu’on prenne garde pourtant à l’excès. Nous rappellerons à ce propos le mot du littérateur anglais : Johnson. Un jour qu’il rendait visite dans une maison où florissait la mode de faire apprendre des fables, un jeune enfant se présente à sa rencontre pour lui déclamer un morceau, tandis qu’à côté de lui son frère cadet se proposait à lui débiter un autre
- ↑ Rendu, Manuel de l’enseignement primaire, 201.