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Page:Revue pédagogique, premier semestre, 1885.djvu/561

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triple titre de gloire que revendique pour Livingstone l’inscription qui se lit sur sa pierre tombale à Westminster, et la postérité ratifiera ce triple éloge décerné par la voix unanime de ses contemporains.

Retracer dans un mince volume la vie, laborieuse entre toutes, de ce fervent missionnaire, de ce voyageur audacieux, de cet héroïque philanthrope, était une tâche difficile ; M. Reuss s’en est acquitté avec un rare talent dans le livre que nous nous plaisons à signaler à toute l’attention de nos lecteurs. Lui-même il l’appelle modestement une esquisse, et il aurait raison si on jugeait les ouvrages d’après le nombre de leurs pages ; en réalité, c’est un travail achevé, d’une vérité frappante et d’un intérêt saisissant. Les divers aspects de l’activité, si multiple et pourtant si une, de Livingstone s’y trouvent mis en pleine lumière ; mais surtout la physionomie éminemment sympathique du grand homme de bien s’y détache avec un relief remarquable sur le fond mouvant de son aventureuse carrière, humblement commencée dans une chaumière écossaise, pour finir, avec une auréole qui est presque celle du martyre, sur les rives d’un lac perdu dans les profondeurs de l’Afrique.

Ce sont naturellement les trois séjours de Livingstone en Afrique qui tiennent la plus grande place dans le livre de M. Reuss. Il en a résume les péripéties les plus importantes et les grands résultats géographiques d’après les relations officielles publiées par le voyageur lui-même ou par ses amis ; mais il a de plus tiré un excellent parti des extraits de sa correspondance et de son journal intime, mis au jour par M. William Garden Blaikie. Grâce à cette heureuse combinaison, la narration gagne grandement en animation et en intérêt, la charmante naïveté des impressions personnelles du docteur tempérant ce qu’ont d’aride ses itinéraires compliqués. Au point de vue géographique on pourrait à la rigueur, dans le récit de ces pérégrinations, relever quelques inexactitudes de détail, regretter quelques omissions ; en général cependant, ce récit est exact et aussi complet que le permettait l’étroitesse du cadre choisi. Les révélations successives de Livingstone sur le plateau de l’Afrique australe sont nettement exposées ; on suit le voyageur, sinon pas à pas, du moins dans les zigzags principaux de ses courses entrecroisées, soit que, du lac Ngami et du haut Zambèze, ses premières découvertes, il gagne tour à tour l’océan Atlantique à Loanda et l’océan Indien à Quilimané ; soit qu’il s’épuise en efforts infructueux pour faire du Zambèze la grande voie d’accès de l’intérieur, et explore entre temps le lac Nyassa au nord de son cours inférieur ; soit qu’enfin, dans cette troisième expédition dont il ne devait pas revenir, il croise en tous sens, pendant sept longues années, les pays inconnus à l’ouest du Nyassa et du Tanganijka, et y découvre une multitude de lacs et de fleuves lacustres, qu’il s’obstine à rattacher au Nil, alors qu’ils appartiennent au haut bassin du Congo. Mais, tout en faisant