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Page:Revue pédagogique, premier semestre, 1887.djvu/493

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NOS PIONNIERS EN AFRIQUE

d’Alger. Leur physionomie est douce et fine, elle l’est trop : elle trahit la mollesse et l’indolence, comme leur teint d’ambre pâle semble annoncer je ne sais quelle langueur. Leur costume aux couleurs élégantes et aux formes lâches les habille, mais ne les drape pas ; ils passent leur vie assis à la turque, à l’ombre et au fond de petites boutiques où ils font de petits travaux réservés ailleurs à des doigts de femme : qu’ils manient l’aiguille et le dévidoir, la plume de roseau du notaire ou le trébuchet des compteurs d’argent, ils confondent tour à tour par leur merveilleuse rapidité de main et puis par l’impassibilité nonchalante de l’attitude, du regard, de l’être tout entier qui semble vivre dans un rêve.

Les Maures sont en général intelligents, dociles, et souvent, dans l’enfance, remarquablement doués. Tous ceux qui les ont observés déclarent sans hésiter qu’il y a là un premier élément de population qu’il est possible, qu’il est facile d’instruire, et ce premier élément représente à lui seul quelques centaines de mille habitants dans les deux pays[1].

Le second type que l’on distingue au premier coup d’œil, bien qu’il soit aujourd’hui partout mêlé aux autres, c’est le Juif. On sait qu’en Algérie et en Tunisie, les Juifs, quoique n’étant plus astreints par la loi à porter un costume particulier, l’ont conservé : les hommes, vêtus à peu près comme les Maures, s’en distinguent par des couleurs plus sombres, par la coiffure et par quelques détails d’accoutrement. Quant aux femmes, vêtues à la mauresque en Algérie, elles sont affublées en Tunisie d’un étrange costume qui leur a sans doute été jadis imposé par la haine des Musulmans ; on sait aussi que les Juives sont les seules femmes non européennes que l’on rencontre dans les rues et dans les boutiques. Ajoutons que par conséquent ce sont les seules filles pour lesquelles il y ait à prévoir des écoles : il ne saurait en être question, sauf des exceptions rarissimes, pour les filles arabes : la femme musulmane passe sa vie entière sans franchir le seuil de la maison.

  1. On peut rapprocher des Maures, sinon au point de vue ethnographique, du moins pour l’objet qui nous occupe, les Koulouglis, fils de Turcs et de femmes mauresques, et en général les diverses variétés de population de sang mêlé, de provenance mi-africaine, mi-européenne, qui se trouvent dans le peuple ouvrier des villes.