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Page:Revue pédagogique, premier semestre, 1887.djvu/495

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NOS PIONNIERS EN AFRIQUE

court, le menton est énergique, la bouche assez grande et bordée de fortes lèvres. L’ensemble de la physionomie a rarement la finesse que l’on remarque chez les Arabes, mais l’expression est plus franche, l’œil plus vif. Les muscles sont très solidement attachés ; si le corps n’a pas la même souplesse que chez l’Arabe, il est plus fort… En moyenne, les Kabyles ne diffèrent que peu des Européens du midi, et parmi eux on rencontre des milliers d’individus qui en changeant de costume pourraient être confondus avec des Auvergnats, des Cadurques, des Limousins. » L’impression que traduit ici l’illustre géographe est si bien celle de tous les voyageurs que plus d’un touriste avoue franchement sa déception : au burnous près et sauf la langue, il retrouve en pleine Kabylie nos montagnards agriculteurs du centre et du midi. Même âpreté au travail, même lutte patiente, acharnée avec le sol, mêmes efforts infatigables et mêmes grimpées à perte d’haleine dans la montagne pour cultiver un pauvre petit coin de terre, recueillir l’olive, décortiquer le chêne-liège ou simplement faire paître quelques chèvres. Rude et robuste, le Kabyle se fait ouvrier aussi bien que cultivateur ; il y a des villages de forgerons, où l’on fabrique avec des moyens incroyablement rudimentaires des bijoux en fer, des armes ciselées, des épingles, des broches pour la toilette des femmes, et tous les ustensiles que réclament les besoins de l’agriculture et de l’industrie locale.

Entre le pur Kabyle et le pur Arabe se place, aujourd’hui surtout, comme une longue transition, toute une série de populations d’origine arabe, mais singulièrement mêlées. Quand on va d’Alger à Tunis en chemin de fer, on voit dans certaines parties du trajet se succéder à des intervalles très rapprochés, à droite et à gauche de la voie, de petites agglomérations de huttes noires, qu’on prendrait de loin tantôt pour de gros tas de terreau, tantôt pour ces meules à charbon qu’on voit dans nos forêts. C’est un groupe de gourbis ou de tentes : c’est dans de tels gîtes que vivent, sous un lacis de branchages grossièrement assemblés, à l’abri d’une grosse toile faite de poils de chameau et revêtue d’une espèce d’enduit goudronné, des milliers et des milliers d’êtres humains. Autour des gourbis paissent les troupeaux. Sous le gourbi ou devant la fente qui sert d’entrée on entrevoit des femmes, des enfants, des animaux domestiques :