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Page:Revue pédagogique, premier semestre, 1887.djvu/503

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NOS PIONNIERS EN AFRIQUE

En les écoutant et en rapprochant leurs paroles de tout ce qui m’entourait, je souffrais du contraste, et il me semblait entendre plus haut que ces fraîches voix d’enfants criant Vive la France ! une voix accusatrice nous dire : « Est-ce ainsi que vous remplissez votre devoir envers les vaincus ? Qu’avez-vous fait de votre victoire ? Êtes-vous bien sûrs de n’avoir rien à vous reprocher, et croyez-vous avoir droit aux éloges, aux remerciements de ces pauvres petits ? »

La vérité est que nous n’avons jusqu’à ces dernières années rien fait pour instruire la masse des indigènes. Nous n’avons pas su, ou n’avons pas voulu, ou n’avons pas daigné leur donner l’instruction française, et nous leur avons enlevé même leur instruction musulmane. Il est vrai que la suppression des écoles musulmanes avait été une mesure de précaution et de sécurité dont nous ne pouvions nous dispenser. Ce qu’on appelait en Algérie une « zaouïa » était à la fois une chapelle, un collège, une forteresse et un caravansérail ; il faut par la pensée essayer de nous représenter ce que pouvaient être chez nous les couvents militaires du xe siècle pour entrevoir par analogie ce qu’’étaient, en 1830, les zaouïa d’Algérie, et l’on comprend qu’il ait fallu fermer ces foyers de fanatisme, ces « écoles préparatoires d’insurrection ». Il est vrai encore que l’enseignement qu’y recevaient la jeunesse et l’enfance se bornait le plus souvent à la lecture machinale et à la copie du Coran. Mais toujours est-il, comme le dit fermement M. Foncin, que nous n’avons ni réformé, ni remplacé l’ancien système d’instruction des indigènes.

Heureusement ce sentiment de notre responsabilité vis-à-vis de la population dont nous sommes les tuteurs, a pris depuis quelques années dans toute l’Algérie une force toute nouvelle ; il a parlé assez haut pour faire taire les menues objections qui ne font jamais défaut, les bons prétextes que trouvent toujours les mauvaises volontés. Le temps est déjà loin où M. Cam. Sabatier, alors administrateur à Fort-National, passait pour un utopiste quand il réclamait l’instruction pour les Kabyles ; où le directeur de l’École des lettres, M. Masqueray, était obligé d’aller lui-même de tribu en tribu recueillir leurs adhésions pour prouver que la chose était possible.

Le décret du 13 février 1883 a posé le principe qu’il y aurait