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Page:Revue pédagogique, premier semestre, 1887.djvu/505

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NOS PIONNIERS EN AFRIQUE

ment soit les Français soit les Arabes dans un tel chaos. Tant qu’il s’agissait d’apprendre mécaniquement les rudiments de la lecture, l’enfant arabe, qui est naturellement attentif, docile, presque grave, triomphait de toutes les difficultés du tableau et épelait, syllabait, lisait, écrivait de manière à faire illusion. Mais aussitôt que son camarade français arrivait à un livre de lecture si enfantin qu’il fût, il ne pouvait plus suivre. Tout au plus gardait-il sou rang pour le calcul, exercice auquel il est particulièrement porté et qui ne demande de connaître que le vocabulaire des noms de nombre. Mais toute autre étude commune devenait vite impossible ou illusoire. Quelques élèves français d’une intelligence prompte et souple pouvaient bien saisir les éléments de l’arabe usuel et profiter ainsi du contact. Mais les Arabes en général ne tardaient pas à se dégoûter et à déserter une école qui, sauf de très rares exceptions, n’était plus à leur usage ni à leur portée.

Il a donc fallu songer à faire des écoles indigènes expressément conçues et organisées en vue de l’enfant indigène.

C’est en fait le système qui a prévalu dans ces dernières années en Algérie. Mais ici difficulté nouvelle : voilà un groupe de cent à cent cinquante enfants qui composent une école indigène, les voilà entre eux sans aucun camarade parlant français. Ils n’ont plus ce secours si important de la conversation entre enfants ; ils apprennent le français, pour ainsi dire, comme une langue morte. Et il faut que le maître à lui seul se dépense sans cesse pour arriver à leur faire retenir et imiter les sons, apprendre les noms de quelques objets, comprendre quelques phrases plus que simples. Tous ceux qui savent ce qu’est qu’enseigner se représenteront la fatigue, l’épuisement d’un maître voué à pareille besogne six heures par jour, dix mois par an. Et quelle lenteur ! Quelle pauvreté de résultats ! Combien d’indigènes sortiront de l’école baragouinant vingt-cinq ou trente mots de français et ne sachant, au vrai, rien du tout !

Et pourtant il n’y a pas de troisième solution à chercher. Il n’y en a même plus deux, car l’école mixte entre les deux races n’existe plus en fait qu’à titre d’exception de plus en plus rare. Il n’y avait donc qu’à perfectionner l’organisation de l’école indigène. On s’y est mis résolument : D’une part on a recouru