Aller au contenu

Page:Revue pédagogique, premier semestre, 1887.djvu/506

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée
496
REVUE PÉDAGOGIQUE

au système qui jadis chez nous a eu son heure de popularité, le fameux mode mutuel : l’Algérie forme aujourd’hui et commence à employer très heureusement des moniteurs indigènes, qui sont de véritables moniteurs, de jeunes sous-maîtres ou élèves-maîtres arabes ou kabyles pourvus du simple certificat d’études, parlant et écrivant très suffisamment le français et formant entre l’instituteur et la masse de l’école un précieux trait d’union. C’est la pépinière du futur corps enseignant indigène.

En même temps un autre secours est apporté à nos instituteurs : on leur a fait, on leur prépare encore de petits livres scolaires expressément écrits à leur intention et à la portée de leurs élèves. Sans doute un bon maître peut, il doit même se faire à lui-même sa méthode, ses procédés. Mais que de temps gagné s’il a par exemple une bonne méthode de lecture graduée, un recueil d’exercices de langage ou de leçons de choses, j’entends un recueil approprié à ses besoins tout spéciaux.

Les bons livres élémentaires ne manquent pas en France, mais il faut les avoir vus transportés dans ces écoles d’Afrique pour savoir à quel point un livre excellent ici peut être détestable là-bas. Il faut avoir essayé de les ouvrir au hasard à une page quelconque, non pas dans son cabinet, à tête reposée, mais en classe, ayant devant soi tout ce petit peuple qui vous écoute et ne demande qu’à comprendre. On est arrêté à chaque instant par un mot, une tournure, par une allusion à des faits, à des coutumes, à des mœurs, à des idées tout à fait familières chez nous, et que le petit Arabe ne soupçonne pas. Il vous regarde avec ses yeux grands ouverts et pétillants d’intelligence, et vous sentez avec désespoir qu’il n’y a pas moyen, qu’il faut y renoncer. N n’y a pas d’impression plus pénible. Il est étonnant qu’on ne se soit pas avisé plus tôt de la nécessité d’avoir pour de telles écoles une littérature toute spéciale. Elle commence à se faire en Algérie. On emploie notamment depuis deux ou trois ans dans les écoles kabyles un excellent livret pour commençants qui facilite singulièrement la tâche des maîtres et le progrès des élèves : c’est la Méthode de lecture-écriture de MM. Scheer et Mailhes. Il suffit d’y jeter les veux pour comprendre que ce livre-là ne serait presque pas intelligible et pas du tout intéressant pour de petits Parisiens ; aussi l’est-il absolument pour de petits Kabyles, ne fût-ce que