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Page:Revue pédagogique, premier semestre, 1887.djvu/507

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NOS PIONNIERS EN AFRIQUE

par le choix des mots : « Mouloud porte du couscous à Amina sur sa mule. — La caravane a vu des gourbis sur la route du Djurjura. — Fatima a préparé la natte pour le cadi, » etc.

La Tunisie n’a pas connu ces longs tâtonnements. La direction de l’enseignement y a été confiée dès 1883 à un homme qui avait autant de méthode que d’énergie et qui savait que le défaut de plan peut être aussi funeste que le défaut d’initiative. M. Machuel, fils d’un des plus anciens directeurs d’école franco-arabe d’Algérie, élevé par son père en contact avec les indigènes, avait même suivi concurremment avec l’école paternelle les écoles coraniques aussi assidûment que beaucoup de jeunes Musulmans. Il trouva dans ses souvenirs d’enfance plus d’une indication précieuse. Il vit clairement le but et non moins clairement les moyens dans leur ordre progressif. Le but, c’est d’assimiler, de franciser autant que possible l’indigène tunisien, et cela dans son intérêt autant que dans le nôtre, ce pays n’ayant rien à perdre et tout à gagner à ce rapprochement. Le moyen, c’est de faire de la langue française le véhicule des idées et des institutions françaises. Apprendre aux enfants à lire, à écrire et à parler couramment le français, telle doit être la première pensée, au début même la seule ambition de l’école. Tant que ces enfants ne seront pas en état de nous comprendre, de converser avec nous et avec nos enfants, les résultats en apparence les plus satisfaisants ne seront que superficiels, et nous aurions tort d’en être dupes.

Pénétré de cette conviction, M. Machuel a tout subordonné à l’enseignement du français, dans ses programmes d’études, dans ses instructions, dans ses petits livres de classe. Sa Méthode de lecture et de langage (cette dernière partie du titre est tout à fait significative) a été composée en quelque sorte ligne à ligne en vue des besoins de la population indigène ; c’est en son genre un chef-d’œuvre d’ordre, de patience et d’appropriation. En y apportant les changements nécessaires, c’est-à-dire en suivant l’esprit de l’ouvrage et son plan sans en garder peut-être une seule page. on en pourrait faire un manuel fort utile pour l’enseignement du français en pays breton, en pays basque, en pays flamand.

Est-ce à dire que M. Machuel imagine voir son œuvre finie quand l’élève sera arrivé au terme de ces deux petits livrets ? elle est à peine commencée, il le sait mieux que personne ; mais