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Page:Revue pédagogique, premier semestre, 1887.djvu/509

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NOS PIONNIERS EN AFRIQUE

maçonnerie, mais plus grande que les autres, plus ouverte, avec des fenêtres à l’européenne, entourée d’espace et d’air : c’est l’école, le « palais scolaire » si l’on en croit certains journalistes qui ne se résigneraient pas à y vivre même avec de gros appointements. L’instituteur y vit, lui, avec un mince traitement, seul Français et souvent seul Européen à plusieurs lieues à la ronde. Il a généralement sa femme pour adjointe chargée de la petite classe ; et rien n’est plus précieux pour l’établissement de bonnes relations avec les familles kabyles. Il y a quelques mois, un de ces instituteurs quittait avec sa femme le village où il avait créé la première école française, l’école du gouvernement comme ou l’appelait, il s’en allait en fonder une autre dans une autre partie de la montagne : « Ce jour-là, Monsieur, » me disait un vieux chef kabyle, « nous avons eu un grand chagrin, toutes nos femmes pleuraient. Elles avaient d’abord eu peur de la Française. Mais la Française était devenue leur amie ; nous étions toujours heureux de la voir arriver. Si l’enfant avait manqué en classe, elle venait voir pourquoi ; s’il avait mal travaillé, elle venait donner un bon conseil à la mère ; s’il était malade, elle apportait des remèdes ; elle disait à nos femmes des paroles qui pénétraient dans leur cœur. C’est un malheur pour notre village qu’ils soient partis[1]. »

Nous entrons dans la classe. Voici trente, quarante, cinquante

  1. Parmi les noms des instituteurs français de la Kabylie déjà dignes d’être signalés et retenus, citons ceux de M. Dominique, longtemps instituteur à Tamazirt, aujourd’hui à la tête de la grande école indigène, déjà trop petite, du chef-lieu d’arrondissement Tizi-Ouzou ; M. et Mme Gordes, directeur et adjointe de l’école de Tamazirt, sur la route à Fort-National ; M. Verdi, directeur de l’école de Taourirt-Mimoun, dans la tribu des Beni-Yenni, qui envoie de bons élèves au cours normal ; M. et Mme Cazal, instituteur et institutrice à Aïn-El-Hammam ; M. Mailhes à Tizi-Rached ; Mme Borély, directrice d’une des plus charmantes écoles de la Kabylie, l’école enfantine d’Ait-Ichem, une des très rares écoles qui reçoivent des filles, heureuse particularité due à l’intelligence du caïd ou président, dont l’exemple a entraîné les meilleures familles du village ; Mme Malval, institutrice des plus distinguées et qui ne serait pas déplacée à la tête d’un grand établissement : elle s’est vouée à l’œuvre la plus obscure, la plus difficile et, à certains égards, la moins récompensée, en dirigeant le petit « orphelinat » de filles kabyles fondé près Fort-National à Thaddert-ou-Fella par M. Sabatier. Aux noms de ces deux institutrices ajoutons celui de Mme Saussotte, l’habile directrice de l’école de jeunes filles musulmanes à Constantine, que M. le ministre a visitée et où il a trouvé, entre autres travaux manuels, la broderie de Tunis en or sur soie et velours.