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Page:Revue pédagogique, premier semestre, 1887.djvu/510

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REVUE PÉDAGOGIQUE

élèves au burnous blanc, sali par la terre, en étoffe grossière, tous pieds nus. Ce sont de rudes physionomies de montagnards, au teint hâlé, mais au regard intelligent et droit, au front large et haut, que grandit encore l’habitude d’avoir la tête absolument rasée, aux traits presque toujours réguliers et souvent beaux. Il y a un grand mélange d’âges dans ces classes. Il s’y trouve des jeunes gens de quinze à dix-huit ans à côté d’enfants de neuf ans. Quoiqu’on les groupe d’après leur degré de savoir, il y a dans la classe bien des inégalités. Quelques élèves, mais c’est une bien faible exception, sont déjà parvenus au certificat d’études primaires. D’autres l’obtiendront à la fin de l’année. Le reste suit de plus ou moins loin, fait des copies, des problèmes, des cartes, des dictées surtout, — hélas ! c’est là qu’on souffre et que l’on comprend Sarcey déplorant les chinoiseries de l’orthographe. Mais qu’y faire ? On ne peut pourtant pas inventer une orthographe française à l’usage des pauvres Kabyles, et ils se résignent à apprendre la nôtre. Au bout de trois à quatre ans de fréquentation régulière, ils parlent convenablement le français, et s’ils n’arrivent pas comme leurs jeunes compatriotes des grandes écoles de Tlemcen, de Mostaganem, d’Oran, de Biskra, à rivaliser avec la moyenne des classes françaises, il faut convenir que la plupart parlent plus correctement que les petits paysans de beaucoup de nos provinces[1].

  1. Pendant que cet article s’imprimait, nous avons reçu une intéressante petite brochure : Une Mission en Kabylie (Alger, Jourdan, 30 avril 1887, in-8°, 71 pages), par M. Belkassem-ben-Sedira. Son nom est bien connu en Algérie. Enfant d’un pauvre Arabe des confins du désert, devenu à Biska l’élève de Colombo, qui n’avait pas encore d’école et réunissait les petits Biskris de bonne volonté au pied d’un palmier, distingué plus tard par le général Desvoux qui le fit envoyer au collège d’Alger, venu enfin en France et placé à l’école normale de Versailles sous la direction de M. Lenient, Belkassem s’est fait naturaliser Français. Il est professeur à l’École supérieure des lettres d’Alger, et il est au premier rang de ceux qui prouvent, par leur exemple, qu’il n’y a pas de ligne de démarcation entre l’indigène et le Français. Cette brochure, outre l’objet spécial de la mission au Guergour pour des études sur les dialectes kabyles, traite de la question de l’assimilation des Kabyles et contient, à propos du récent voyage ministériel et parlementaire, nombre d’observations, de renseignements et de propositions relatives à l’organisation scolaire qui méritent un examen sérieux. L’auteur insiste sur la nécessité d’un cours de travaux manuels, d’un cours d’arabe, etc.