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Page:Revue pédagogique, premier semestre, 1887.djvu/515

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NOS PIONNIERS EN AFRIQUE

parent ou un ami qui le protégeait, l’autre était riche et achèterait la complaisance d’un employé, un troisième, dénué de ressources, était sûr de l’impunité, puisqu’il n’avait pas de quoi nourrir son geôlier. Ce peuple a vécu trop longtemps sous le régime de la faveur et de l’exception pour pouvoir passer tout d’un coup, sans s’y heurter le front, sous le niveau de la discipline : il est essentiellement dilettante, ses maîtres en ont profité pour l’exploiter et l’affaiblir ; nous avons la besogne ingrate de lui imposer, dans son propre intérêt, des mœurs moins faciles. Y réussirons-nous jamais complètement ? Ce serait certainement une faute que d’apporter dans cette tentative une ambition trop absolue. Les règlements rigoureux ne sont facilement applicables que sous un climat froid, quand la nature est la première à soumettre l’homme à ses dures exigences, à lui apprendre à se contraindre et à prévoir ; mais, dans le Midi, quelle prise a l’autorité sur des hommes qui ne peuvent souhaiter de plus magnifique toiture que le ciel au dessus de leur tête, qui vivent pour ainsi dire de soleil, et n’ont d’autre besoin, s’ils sont tant bien que mal nourris. que de chanter, dormir, rêver ? Autant pourrions-nous essayer de discipliner les oiseaux ».

Que de fois ne nous est-il pas arrivé, en visitant les écoles, de nous rappeler cette fine et juste peinture et de la trouver, là en particulier, plus fine et plus juste encore ! Je revois de souvenir, dans une de ces belles maisons mauresques éblouissantes de blancheur, dont toutes les pièces donnent sur une cour intérieure entourée d’arcades qui font penser à nos vieux cloîtres de couvent, je revois ces beaux groupes d’enfants arabes et maures, à la physionomie attentive, au regard droit et fixe, avec quelque chose de doux et de bon, faisant visiblement effort pour apprendre et pour comprendre. Avant tout, c’est le français qu’ils veulent savoir, c’est la plus grande exigence des parents, la grande affaire des maîtres, et nous avons déjà dit avec quelle facilité de bon aloi ces enfants réussissent à s’approprier au moins les éléments de la langue. Ajoutons en général que dès À présent il se glisse dans leur esprit, avec les mots français, plus d’une idée française.

Un jour, — c’était au collège Sadiki, dans ce magnifique collège musulman fondé par le bey Tsadok, et aujourd’hui plus prospère