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Page:Revue pédagogique, premier semestre, 1887.djvu/516

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REVUE PÉDAGOGIQUE

que jamais sous notre patronage, — j’assistais à une leçon d’histoire faite en français. On avait lu dans un livre de M. Lavisse la révocation de l’Édit de Nantes. Les faits et les dates récités, je demande aux élèves leur sentiment personnel : Louis XIV a-t il bien fait ? — Non, répondent-ils sans hésiter. — Pourquoi ? — C’est, dit l’un, qu’il a fait perdre à la France beaucoup d’habitants. — C’est, dit l’autre, parce qu’il a fait périr ou exiler des innocents. — Un troisième : C’est qu’il a fait des persécutions. J’insiste : « Il ne faut donc pas persécuter ? » — La réponse est unanime. — Mais, dis-je encore, si un de vos princes musulmans, très puissant, très savant, très pieux, voulait obliger un chrétien, par exemple, ou un juif, à embrasser l’Islam, aurait-il tort ? — Oui. — Pourquoi ? — Un jeune homme se lève et me répond : « Parce qu’il n’a pas la clef de leur cœur. »

À côté des écoles publiques arabes-françaises, il serait injuste de ne pas mentionner avec toute la sympathie qu’elles méritent des grandes écoles de l’Alliance israélite de Tunis et de Sousse. Là aussi on apprend la langue française et les sentiments français. Là aussi la bonne volonté des populations est grande, et non moins grande celle des maîtres : ce ne sont pas les élèves qui manquent, c’est la place pour les loger, c’est l’argent pour leur donner des maîtres. En attendant, quand on voit par exemple M. Cazès, le directeur de l’école de Tunis, se débattre énergiquement contre le succès même qui le déborde, s’ingénier à remplacer les maîtres qui manquent par des sous-maîtres, les sous-maîtres par des moniteurs, et se multiplier lui-même pour faire face à tout, on est partagé entre un sentiment d’admiration pour l’homme et un sentiment peut-être plus poignant encore, c’est que là, comme en Algérie, il y a d’immenses besoins et une immense bonne volonté à laquelle la France ne peut pas ne pas répondre. Elle a déjà rempli une partie de sa dette en contribuant largement à l’entretien du collège Saint-Charles, créé à Tunis par le cardinal Lavigerie et qui donne à des enfants de toute nationalité et de tout culte l’enseignement secondaire : elle peut encore moins se désintéresser de l’enseignement plus modeste et plus indispensable des classes populaires.