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Page:Revue pédagogique, premier semestre, 1887.djvu/517

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NOS PIONNIERS EN AFRIQUE

V

Le point central, décisif, et comme le nœud de la question de l’enseignement des indigènes en Algérie aussi bien qu’en Tunisie, c’est l’établissement des cours normaux pour former un personnel indigène. La Tunisie a du premier coup porté son effort de ce côté. Son école normale, dite collège Alaoui (du nom d’Ali-Bey), a été la première et la plus chère pensée de M. Machuel. L’Algérie a ouvert à peu près à la même époque ses deux cours normaux indigènes comme annexe des écoles normales d’Alger et de Constantine. Des trois établissements, c’est probablement celui de Tunis qui à ce jour donne les résultats les plus frappants ; mais les rôles peuvent être renversés demain, il suffit qu’on prenne un peu plus à cœur en Algérie le recrutement des maîtres indigènes : c’est une campagne que M. le recteur d’Alger a entreprise et qu’il mène avec autant d’habileté que d’énergie.

On sera peut-être curieux de recueillir de la bouche des directeurs d’école normale quelques appréciations sur leurs élèves indigènes. Voici quelques lignes d’une lettre fort intéressante que veut bien m’écrire à ce sujet M. Follet, directeur de l’école normale de Constantine :

« Ces jeunes gens commencent trop tard à s’instruire ; il leur faut d’abord un an de séjour avec nous pour arriver à converser suffisamment. Ils font jusqu’à trente fautes dans la dictée d’admission, ils lisent péniblement et font quelques problèmes sur les quatre règles. Quelques-uns ont vingt ans et sont mariés ; ce n’est point un âge ni une situation favorable à l’étude.

Nous avons les enfants de quelques employés : cavaliers d’administrateurs, spahis, secrétaire du cadi ; deux sont fils d’une Française (leurs camarades les appellent malicieusement des « croisés »). les autres appartiennent à de pauvres ouvriers ou cultivateurs ; ils sont à peine vêtus quand ils nous arrivent, leur propreté laisse quelque fois bien à désirer. Sept sont de Contantine même, deux de Biskra, un de Tuggurth et un de Tebessa ; six viennent de Kabylie : c’est sur ceux-ci que nous pouvons compter le plus ; ils se francisent aisément. Volontiers ils porteraient notre habillement ; quelques-uns se promettent d’épouser des Européennes ; mais ces desseins s’évanouissent quand ceux qui les forment rentrent dans leur société !

Nous tâchons le plus possible d’exciter Français et indigènes à se mêler dans les récréations, mais nous ne réussissons pas autant