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Page:Revue pédagogique, premier semestre, 1891.djvu/349

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A PROPOS DE L’INSTRUCTION DES INDIGÈNES EN ALGÉRIE

disait l’institutrice de Bougie — sont particulièrement recherchées, les maris en sont fiers.

J’ai été aussi avec cette directrice visiter plusieurs de ses anciennes élèves mariées et non mariées. Toutes nous montraient un empressement affectueux ; les parents nous saluaient avec déférence. Partout l’école avait laissé d’heureuses impressions. Toutefois, je regrette d’avoir à dire qu’en cherchant autour de ces jeunes filles un souvenir vivant des études passées, un livre français seulement, je n’en ai jamais trouvé trace. Elles avaient surtout gardé, des contacts de l’école, une individualité plus marquée, — nous sommes en Kabylie, — le sentiment et le désir d’une existence plus variée et plus libre. Elles enviaient la femme française, aspiraient à suivre ses errements. Une d’elles nous raconta même s’en être expliquée la veille ouvertement avec son mari, lequel n’avait nullement paru goûter la chose.

Les écolières de Constantine appartiennent à une classe plus pauvre et quittent l’école plus tôt en vue des besoins de la famille. La directrice, Mme Saucerotte, depuis longtemps en contact avec les Arabes par des circonstances de famille, parlant d’ailleurs aisément leur langue, demande avec instance l’adjonction d’une école maternelle, qui deviendrait pour les deux sexes une pépinière d’élèves. Les parents envoient plus volontiers les tout petits enfants à l’école, et il est plus facile de les retenir quand ils en connaissent le chemin, que de le leur faire prendre.

J’ai visité aussi avec Mme Saucerotte de nombreuses familles d’élèves.

À Constantine, le quartier arabe a gardé son caractère primitif. Les familles pauvres s’entassent dans une même maison sans aucun mélange de Français.

On connaît la maison mauresque. Située dans une ruelle resserrée, dépouillée de tout ornement extérieur, percée d’ouvertures étroites et soigneusement grillées, c’est une façon de forteresse. Nous pénétrons par une porte basse et de sombres couloirs jusqu’à la cour intérieure ouverte et entourée à chaque étage de balcons. Sur ces balcons donnent les chambres des habitants. Une citerne et une ouverture d’égout transforment alternativement pour chacun la cour en buanderie.

Au bruit de nos pas dans ces lieux tranquilles, des têtes curieu-