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Page:Revue pédagogique, premier semestre, 1891.djvu/350

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REVUE PÉDAGOGIQUE

ses s’avancent de toutes parts. Un homme, chacun fuirait. Mais les hommes ici ne se hasardent guère. Des femmes européennes, c’est un événement dans ces vies de prisonnières. On vient au-devant d’elles, on leur souhaite la bienvenue.

Nous montons des escaliers tortueux, de hauteur inégale, et nous pénétrons dans le logis. Une seule chambre, d’ordinaire, pour chaque famille, rarement deux. Au fond, on empile les matelas d’herbages et les couvertures qui composent le lit. A côté, un coffre pour les vêtements et le linge. Une natte à terre où l’on s’accroupit. Quelquefois un métier servant à la fabrication des burnous ; un brasero pour le café et le couscous, placé sur le balcon au dehors. Une grande propreté et une certaine coquetterie règnent au milieu de ce dénuement. Les femmes, les jeunes filles, les enfants, pieds et jambes nues, portent des costumes voyants, de la soie souvent quand ils nous attendent. Les mains, la figure peinte et tatouée, de beaux cheveux, une physionomie avenante. La résignation et l’insouciance du fataliste leur font porter légèrement la misère, et la sobriété naturelle à la race en allège le poids. Les jeunes filles, qui ne déjeunent jamais à l’école que d’un morceau de pain desséché et de l’eau du puits, sont toujours souriantes. Mariées, il est vrai, elles s’affaissent vite, vieillissent avant l’âge.

On nous reçoit partout avec un extrême empressement et une hospitalité touchante, nous offrant des fruits, du café. Partout débordent l’affection et la reconnaissance pour l’institutrice.

Les Israélites et les Arabes forment, dans toute l’Algérie et principalement à Constantine, des groupes très séparés. Ils ont chacun leur quartier et chacun leurs écoles. Les Israélites, naturellement plus rapprochés de nous, s’assimilent plus aisément nos mœurs, nous envoient aussi plus volontiers leurs enfants. La monogamie, l’esprit de famille et de travail facilitent les contacts.

Les écoles israélites de filles et de garçons sont très nombreuses à Constantine ; les enfants assidus et disciplinés. Leur grand défaut est la saleté, qui règne en maîtresse dans les petites classes. A force de zèle, les maîtres obtiennent pourtant quelque chose. Les classes avancées ont un bien meilleur aspect.

La régularité est partout plus grande dans les écoles de garçons que dans les écoles de filles, les parents tenant davantage à