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L’ENSEIGNEMENT CHEZ LES INDIGÈNES MUSULMANS D’ALGÉRIE

au-dessus de tous ces bourgs et de toutes ces petites villes, s’élève la célèbre Kalaa (forteresse), qui fut le berceau de la puissante famille des Moqrani et leur château inexpugnable, et dans le cimetière de laquelle, entre deux grosses dalles de schiste, l’une à la tête, l’autre aux pieds, sans aucune inscription, repose le corps de notre redoutable et chevaleresque ennemi de 1871, l’ancien bachaga Moqrani. Au xvie siècle, un dynaste de cette tamille, dans son château de la Kalaa, s’était entouré d’une garde de mille Espagnols, échappés de Bougie après la prise de cette ville par Sinan-Pacha. Ces Espagnols, dépaysés, se sont confondus et absorbés dans la population ambiante, et ont fait souche de musulmans. On voit de combien d’éléments ethnographiques, mélangés à l’élément kabyle, se compose cette singulière petite nation des Beni-Abbès.

Ils passent pour médiocrement guerriers, quoiqu’ils aient bravement défendu leurs villages contre nous en 1871. Ils sont intelligents, industrieux, adonnés au commerce, un peu aussi à l’usure, et sont devenus la plus riche des tribus de l’Oued-Sahel.

Les Pères Blancs avaient donc fort bien choisi l’emplacement de leur école, Du reste, à Iril-Ali, ils avaient trouvé un précédent : l’école arabe-française, créée par le régime militaire, abandonnée depuis l’insurrection. Ils ont acquis les bâtiments et les ont agrandis. La maison comprend trois classes.

Le personnel enseignant se compose de trois Pères européens, dont le supérieur, et d’un moniteur indigène.

Le P. Charton, qui paraît un maître en pédagogie, dirige la première classe, dont la salle est beaucoup trop petite pour les quinze élèves qu’elle contient. Nous les avons trouvés, sur le français et le calcul, de force égale à ceux de nos bonnes écoles de Kabylie. De leurs devanciers, plusieurs sont entrés au cours normal de Constantine.

La deuxième classe comprend douze élèves présents : il m’a semblé que le Père instituteur abusait un peu de la grammaire récitée.

La troisième classe — quinze élèves, tous très jeunes — était la plus curieuse à voir. Qu’on se figure un maître indigène, âgé de quinze ans et en paraissant à peine huit, bossu et contrefait, mais avec de bons grands yeux, l’air grave à la fois et souriant.