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L’ENSEIGNEMENT CHEZ LES INDIGÈNES MUSULMANS D’ALGÉRIE

le bois ; à celle de Michelet (ci-devant Aïn-Hammam), le bois et le fer. Chacune d’elles a une vingtaine d’élèves-apprentis.

On leur alloue par mois une petite rémunération et ce n’est pas cela qui les allèche le moins. Leurs principaux clients, c’est encore l’État et la commune. Les apprentis en fer forgent les pioches et les pelles pour l’entretien des chemins, des fers à cheval, même des lits en fer, d’une ornementation compliquée. Les autres rabotent des tables, des chaises, qui iront civiliser les intérieurs kabyles, des rayons pour les bureaux, des stalles pour les chevaux de la gendarmerie.

Qu’il aient le marteau de forgeron ou la varlope à la main, ils deviennent en peu de temps d’excellents ouvriers. Leur maître des Beni-Yenni, M. Verdon, un très brave homme qui a pris la montagne en affection, me disait n’avoir jamais vu de gens si habiles de leurs doigts et si prompts à tout s’assimiler.

Dans d’autres cantons, c’est à l’enseignement de l’agriculture ou de l’horticulture que nous avons donné tous nos soins. Le paysan berbère ne paraît pas plus entiché de routine que le paysan français : peut-être moins. Il aperçoit tout de suite le parti qu’on peut tirer des innovations. Son intérêt lui est le meilleur stimulant.

À l’école d’Aïn-Sultan, j’ai vu l’instituteur, M. Pélissié, donner des leçons à la fois théoriques et pratiques. Du préau nu de l’école et des terrains vagues qui l’entouraient, il a fait un vrai jardin des Hespérides, où brillent dans une frondaison superbes les fruits d’or des orangers et des citronniers.

— Mon successeur, me disait-il, me devra ces ombrages ; et il tirera de mes plantations un supplément de revenu d’un bon millier de francs.

Un peu plus loin, par les soins de l’Administrateur combinés avec les siens, s’est formé un autre paradis verdoyant, abondamment arrosé par la source-reine qui a donné son nom à la localité. C’est le jardin d’essai du canton de Dra-el-Mizan. De tout le pays kabyle on vient l’admirer.

L’école et ces plantations occupent les ruines d’un village indigène, détruit en 1871. Les carrés du potager sont dessinés par les soubassements des murs démolis. Parfois, quand on creuse profond, on exhume quelque squelette qui a porté un nom connu dans le pays. Alors on s’adresse à la famille, émigrée dans les montagnes voisines, pour savoir si elle veut reprendre son de cujus.