démie à Constantine, écrivait : « Dans dix ans, plus de cinquante mille garçons indigènes musulmans fréquenteront nos écoles françaises[1] ». Nous sommes déjà à plus de la moitié du délai qu’il nous marquait : sommes-nous à la moitié du chiffre entrevu par lui ?
Où donc est le vice de cette situation, humiliante et même inquiétante à certains égards ? Est-ce dans une lacune de la loi ? Non, car la loi du 19 juillet 1889 a nettement établi la part contributive de l’État, des départements et des communes dans les dépenses scolaires. Le décret du 13 février 1883 a statué que « toute commune algérienne de plein exercice ou mixte est tenue d’entretenir une ou plusieurs écoles primaires publiques ouvertes gratuitement aux enfants européens ou indigènes » (article 1er), et que dans ces commun es « les enfants indigènes sont reçus aux écoles publiques dans les mêmes conditions que les Européens » (article 38). Ils n’y seraient point reçus aux mêmes conditions si les écoles n’étaient point assez vastes ou assez nombreuses pour accueillir au moins ceux d’entre eux qui s’y présentent de bonne volonté. Le décret du 8 novembre 1887 (articles 3 à 8) indique la procédure à l’aide de laquelle l’État, le gouverneur général, l’autorité académique peuvent contraindre un conseil municipal à remplir ses obligations scolaires. Le décret du 9 décembre 1887 (article 2) dit formellement que ces articles coercitifs sont « applicables aux écoles indigènes ». Il détermine les catégories d’écoles — ordinaires, principales, préparatoires, enfantines, manuelles d’apprentissage — qui seront ouvertes aux élèves musulmans. Donc il n’y a pas de lacune et pas de faiblesse dans la loi.
L’autorité du gouverneur général est-elle insuffisante pour la faire exécuter ? En admettant qu’elle s’exerce d’une façon moins directe sur les communes de plein exercice, il n’en est pas de même dans les autres. C’est lui qui, par arrêté, nomme les administrateurs des communes mixtes ; ce sont ses arrêtés ou ceux des préfets qui nomment les adjoints indigènes, lesquels forment la majorité dans les commissions municipales. En vertu du décret du 10 juin 1873, les commandants des forces de terre et de mer dans la colonie lui sont subordonnés : une invitation adressée
- ↑ De l’instruction et de l’éducation des indigènes dans la province de Constantine. Paris, Hachette, 1884, p. VIII.