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Page:Revue pédagogique, premier semestre, 1892.djvu/39

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L’ENSEIGNEMENT CHEZ LES INDIGÈNES MUSULMANS D’ALGÉRIE

au milieu d’eux le prestige d’une science pratique, les moyens de capter leur confiance, de se les attacher par la nécessité et la reconnaissance, d’assurer ainsi par sa seule influence la fréquentation de son école. Les maladies des indigènes sont peu compliquées, les remèdes à leur appliquer sont très simples, nullement dangereux à manier, faciles à cataloguer. C’est là un moyen de popularité que ne négligent dans les tribus ni les Pères et les Sœurs de Notre-Dame d’Afrique, ni les missions anglaises qui y sont un peu trop répandues. Le cours normal de Fort-National, ainsi constitué, fonctionna pendant deux années et donna deux générations de maîtres excellents, parmi lesquels les Verdy, les Mailhes, les Gorde, qui peuvent être considérés comme élite dans le corps de nos instituteurs algériens.

Les nouvelles écoles fonctionnaient à peine quand le sous-préfet de Tizi-Ouzou ayant déclaré aux indigènes qu’ils n’étaient point « obligés » d’y envoyer leurs enfants, elles perdirent d’un seul coup environ la moitié de leur effectif ; mais que, dans ces conditions, elles en aient conservé l’autre moitié, j’y trouve le meilleur argument en faveur de leur vitalité. Le cours normal de langue et coutumes kabyles cessa de fonctionner ; les communes cessèrent de fournir des médicaments aux écoles. M. Scheer, qui était, en Kabylie, la cheville ouvrière de l’ouvre, fut envoyé à l’autre bout de l’Algérie, à Batna. Diverses influences pesèrent sur le ministère pour qu’il renonçât à la complète exécution de son plan. On avait déjà construit quatre écoles, n’était-il pas bien suffisant de construire les quatre autres qu’avait promises le décret de novembre 1881 ? Et même à quoi bon construire ces quatre ? Pourquoi une telle libéralité en vers des communes assez riches pour faire face aux obligations que leur imposaient nos lois scolaires, notamment le récent décret du 13 février 1883 ? On affirmait que les Administrateurs étaient inquiétés et découragés par l’initiative ministérielle. Sans eux — et ceci nous n’avons jamais songé à le contester — on ne pouvait ni construire des écoles dans des conditions satisfaisantes de bon marché, ni en assurer la fréquentation. Eux seuls pouvaient obtenir des indigènes des sacrifices pécuniaires, de la main-d’œuvre gratuite ; eux seuls, avec l’autorité qu’ils avaient héritée de leurs prédécesseurs militaires, avec les pouvoirs arbitraires que leur conférait le Code de