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REVUE PÉDAGOGIQUE

toujours manifesté la plus vive sollicitude pour l’instruction européenne et pour notre école indigène qu’il a vu bâtir.

Le village possède une assez jolie mosquée, à l’ombre de palmiers stériles qui sont les seuls de la Kabylie. Sur la grande place du marché, çà et là, on distingue des squelettes humains à fleur de terre : c’est qu’on a mal enterré les ancêtres ou que les orages ont lavé les terres. Les Kabyles ne s’en inquiètent pas autrement. Leurs sépultures sont très simples : un trou pratiqué dans une berge ou creusé dans le chemin à trente centimètres de profondeur, et revêtu de lames de schiste. Jamais d’inscription. Aucun culte. Ils n’ont pas sur cet objet les mêmes idées que nous.

L’école est en bas du village. Deux étages pour les logements du personnel enseignant. Au rez-de-chaussée, les quatre classes.

Le costume des écoliers est celui de leurs pères : une gandoura de laine qui descend jusqu’au genou et un burnous à capuchon ; sur la tête une chéchia ou calotte de feutre rouge. C’est tout. Ce ne sont que les riches qui ont des chaussures à l’arabe, et les élégants qui portent des culottes. Les pieds nus reposent sur la dalle nue.

Des têtes éveillées, de grands yeux noirs ou bleus ; des types de chez nous ; çà et là, très rarement, de fins visages arabes, et d’autres qui révèlent un mélange de sang noir.

Dans mes tournées j’ai vu de ces écoliers qui semblaient bien pauvres. Le burnous n’avait plus de couleur, ou plutôt les avait toutes ; troué, rapiécé, effiloché. La chemise de laine usée, élimée, ajourée, réduite à une sorte de charpie, ne tenait plus ensemble que par la persuasion et par des reprises de fil gros comme un câble, laissant, par endroits, la poitrine et les flancs nus. De la dignité dans cette gueuserie. Des hidalgos ! Les plus misérables n’étaient pas les moins intelligents. L’instruction que nous leur donnons leur sera quelque jour un patrimoine, le seul.

Qui croirait que des gens sans culottes puissent avoir des para pluies ? Ils en ont ! D’énormes pépins en grosse cotonnade, une espèce qui tend à disparaître dans les campagnes de France. Quand on pense que Louis XIV n’a pas connu le parapluie !

Entrons dans les classes et commençons par les tout petits.

Ici l’enseignement est bien simple : ce sont des leçons de choses et d’images. On leur apprend les mots français usuels pour