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Page:Revue pédagogique, premier semestre, 1892.djvu/423

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LES COURS D’ADULTES

le Parlement, qui n’a jamais hésité, lorsqu’il s’agissait d’instruction, à suivre et à encourager le gouvernement dans ses réformes même les plus onéreuses, n’a pas protesté contre de semblables entraves apportées à une institution jusque-là si populaire, c’est que tous deux savaient pertinemment que les cours d’adultes, avec leur ancienne réglementation, ne répondaient plus aux besoins pour lesquels ils avaient été créés et maintenus si longtemps à grands frais. Ce n’est assurément pas une préoccupation mesquine d’économie qui a guidé le gouvernement et les Chambres, mais bien la conviction que les résultats obtenus ne répondaient plus aux sacrifices consentis. D’ailleurs, si les mesures prises par le gouvernement avaient porté atteinte à des besoins réels, nous n’aurions pas manqué d’assister à un mouvement général de l’opinion publique devant lequel il eut bien fallu s’incliner, tandis qu’au contraire elles n’ont soulevé aucune réclamation sérieuse et que c’est presque avec indifférence qu’elles ont été accueillies par la population.

C’est qu’en effet, depuis plusieurs années déjà, des symptômes très significatifs se montraient qui indiquaient, à n’en pas douter, que l’institution périclitait. La plus grande partie des auditeurs n’étaient plus que de tout jeunes enfants, souvent les mêmes qui fréquentaient pendant le jour l’école primaire ; l’assiduité des auditeurs plus âgés n’était plus régulière, et les chiffres fournis par les statistiques n’étaient, pour la plupart, que des mirages.

Pourquoi donc les auditeurs sont-ils devenus de plus en plus rares et de moins en moins assidus ? Pourquoi constate-t-on dans un très grand nombre de communes que, lors de l’ouverture des cours, un certain nombre d’auditeurs se sont fait inscrire, qu’ils ont assisté à une nu deux séances et qu’ils ne sont pas ensuite revenus ? que les enfants seuls restent, retenus plutôt par la crainte de déplaire à leur maître ou de désobéir à leurs parents heureux de s’en débarrasser pendant les longues soirées d’hiver, plutôt que par le désir de s’instruire ?

C’est que les temps ont changé. L’instruction a pénétré partout et l’homme complètement illettré, l’inalfabelo, selon l’énergique expression italienne, celui que visaient les lois et les règlements antérieurs, a presque complètement disparu. Les aliments intellectuels qui con venaient aux hommes des générations précédentes ne suffisent plus à la génération présente. C’est une nouvelle confirmation de la loi universelle du progrès.

Sans doute, un certain nombre de conscrits et de conjoints — je dirai même, pour peu qu’on m’y oblige, un assez grand nombre — sont encore signalés comme illettrés ; mais ce sont plutôt des hommes qui ont perdu les connaissances acquises dans leur jeune âge que des hommes qui n’ont pas été à même de les acquérir. Ce sont des esprits rebelles et paresseux, des intelligences bornées qui n’ont pas compris la nécessité de conserver ce que l’école primaire leur avait appris. Ce ne sont pas des gens de cette sorte que les cours d’adultes,