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Page:Revue pédagogique, premier semestre, 1909.djvu/511

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BIBLIOGRAPHIE

approfondi, l’auteur montre la formation de cette religion musulmane, et son évolution récente et son rôle capital dans la vie persane. Grâce à une connaissance très étendue des choses de l’Islam, M. Aubin nous donne sur les diverses sortes du chiisme, sur la vie et l’organisation du clergé, sur les croyances et sur les rites, les détails les plus circonstanciés. Or les sanctuaires les plus vénérés du chiisme se trouvent maintenant en territoire turc, aux environs de Bagdad. M. Aubin nous y conduit et même nous fait faire connaissance avec le « moudjtched » le plus renommé de Nedjef, Mollah Kazem, sorte de grand pontife du chiisme[1]. La lettre[2] très curieuse par laquelle ce chef du chiisme affirme que la révolution persane est conforme aux lois divines montre bien l’un des caractères de cette révolution. Révolution, d’ailleurs, qui se décompose en « une succession de mouvements locaux » et qui s’effectue selon les modes ordinaires de protestation employés si souvent par les Perses contre des gouverneurs trop rapaces[3]. L’évolution même du chiisme, le contact avec les idées européennes, l’exemple de la guerre russo-japonaise[4] et de la révolution russe, telles apparaissent les causes essentielles de la révolution en un pays fatigué, exaspéré par un régime de despotisme et d’exaction. « La Perse travaille » dit l’auteur « pour une poignée de grands seigneurs[5]… » Et c’est ce qui parait bien au cours de l’ouvrage, lorsque l’auteur nous fournit de multiples et précises indications sur l’administration des provinces ou lorsqu’il trace un tableau pittoresque et vigoureusement peint de la cour de Téhéran[6]. On se rend mieux compte ainsi d’un mouvement qui semble encore loin de sa fin et qui exige l’attention soutenue des puissances européennes. De celles-ci, la Russie par la Caucasie, l’Angleterre par le golfe Persique visent à exercer sur l’Iran une influence prépondérante. Cette lutte d’influences rivales, l’attitude de chacune de ces puissances vis-à-vis de la Révolution, le dernier accord anglo-russe[7], autant d’études qui empruntent à la personnalité de l’auteur une valeur particulière. Les ambitions de

    comme légitime que la dynastie d’Ali et ne reconnaissent pas les trois premiers califes, n’accordent pas de valeur à la Sunna. Tous les autres musulmans sont « sunnites ».

  1. P. 397-398.
  2. P. 399.
  3. Le mécontentement s’exprime par la fermeture des bazars au besoin l’émigration des mollahs. Voir, par exemple, La révolution à Ispahan, p.283 et sqq.
  4. Pour l’influence des victoires japonaises, voir notamment la Proclamation des révolutionnaires de Tauris', p. 41. Cf. aussi p. 92, allusion, dans une chanson, au mikado.
  5. Préface, p. ii-iii.
  6. Cf. chap. vi, Le changement de règne, p. 124-148, et chap. viii, p. 178 et sqq.
  7. Cf. chap. ix. Voir aussi La Rivalité anglo-russe au xixe siècle en Asie, par le Dr Rouire, lib. Colin. 1908.