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Page:Revue pédagogique, premier semestre, 1910.djvu/435

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L’ARCHÉOLOGIE DANS L’ÉDUCATION NATIONALE

jeunes soldats qui, les dimanches de pluie, s’en vont par groupes promener leur désœuvrement à travers les salles du musée ? Que regardent-ils ? que comprennent-ils à ce qu’ils voient ? Il suffit de prêter l’oreille pour entendre, devant un monument quelconque, Statue ou tableau, les réflexions les plus pitoyables ; heureux encore quand ils se trouvent livrés, par l’administration, à la merci d’un guide patenté qui débite, en l’estropiant, le boniment dont à chaque répétition, il escompte le petit profit qu’il en doit retirer. Ceux d’entre les auditeurs qui croient posséder quelque savoir sont hien près de considérer le musée comme un amas d’inutiles antiquailles : seule, l’histoire naturelle conserve sa popularité parce qu’on y voit des bêtes exotiques empaillées. Aussi, parfois, des officiers dévoués ont-ils, depuis quelque temps, pris le parti, vraiment méritoire, d’accompagner leurs soldats pour leur donner, dans le musée même, quelques notions d’art et d’histoire.

Il y a quelques années, me trouvant dans un grand bourg de Bretagne, à l’entrée duquel se dresse un imposant calvaire, je demandai au maire, qui m’accompagnait, ce qu’était ce monument, et quel souvenir il rappelait. Il me répondit qu’il l’ignorait, qu’il ne s’en était jamais inquiété et que cela, d’ailleurs, lui était indifférent. Comment ce premier magistrat de la ville, dans son superbe dédain, pourrait-il avoir le souci d’empêcher quelque acte de vandalisme contre ce monument dont l’art est loin d’être absent ? Comment lui naîtrait l’idée qu’il y a intérêt public à veiller à sa conservation ?

Or, vous le savez, messieurs, c’est l’ignorance bien plus que le fanatisme, qui se livre à ces actes de vandalisme dont l’histoire de tous les âges n’est que trop remplie. Cette vérité n’est pas d’hier : déjà le roi Théodoric le Grand, qui se posait en héritier des traditions romaines, proclame dans un rescrit solennel que le respect public, bien mieux que la surveillance et la force, doit être la sauvegarde des monuments et de la beauté de Rome. N’est-ce pas l’ignorance et l’absence de toute notion artistique qui ont favorisé les spoliations trop fréquentes des brocanteurs abusant de la naïveté des curés, des maires, des anciens conseils de fabrique qui, souvent, ont vendu de véritables objets d’art pour les remplacer par quelques banales statues en carton-