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Page:Revue pédagogique, premier semestre, 1910.djvu/445

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L’ARCHÉOLOGIE DANS L’ÉDUCATION NATIONALE

seule façon de remédier à cette déchéance c’est en étudiant les objets anciens, de renouer cette tradition artistique de chaque genre, sans laquelle la fabrication industrielle dégénère et se perd dans la banalité vulgaire et anonyme.

Comment se fait-il qu’à l’époque moderne, tandis que la plupart des artistes, architectes, peintres, sculpteurs, graveurs, orfèvres, médailleurs, sont d’origine plébéienne, il y ait une distance si singulière entre leurs œuvres et les productions spontanées de l’industrie populaire ? D’où vient ce divorce absolu entre l’artiste sorti des entrailles du peuple, élevé souvent à l’école communale, ayant lutté longtemps parfois pour gagner sa vie, et les artisans, ses anciens camarades d’école et de première éducation, dont les travaux n’ont avec ceux de l’artiste aucun rapport d’inspiration ou de style ? N’est-ce pas que cet artiste, outre la flamme intérieure qui brülait en lui, a rencontré sur son chemin des maitres qui l’ont dirigé, et qu’il s’est engagé dans une tradition d’art, en se mettant en contact avec les œuvres d’autres artistes plus anciens qu’il a su admirer et comprendre, pour s’élever lui-même, jusqu’à les surpasser parfois ; tandis que la foule de ses camarades a été abandonnée dans sa grossièreté native, ou servilement emprisonnée dans une formule industrielle et banale que l’ouvrier reproduit aveuglément comme une machine.

Nulle impression d’art n’a été communiquée à l’imagination, nulle direction n’a été donnée au goût de ce laborieux artisan, dont l’initiative spontanée n’étant appuyée sur aucune tradition ne saurait évoluer et progresser suivant sa loi naturelle.

Et cela est si vrai que ce divorce dont on se plaint à juste titre n’existait pas dans l’antiquité. Chez les Grecs dont je signalais tout à l’heure l’unité morale et traditionnelle, il n’y avait nulle séparation, comme chez nous, entre l’art populaire et l’art noble ; tous les deux se tenaient par la main et l’un dérivait de l’autre. Les figurines de Tanagra le prouvent bien en attestant que les humbles modeleurs et le peuple grec dont elles sont l’expression la plus vivante avaient le sentiment et le culte de la Beauté aussi développés que les sculpteurs du Parthénon ou d’Olympie ou les graveurs des plus belles médailles d’Elis ou de Clazomène, de Tarente ou de Syracuse