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Page:Revue pédagogique, premier semestre, 1910.djvu/446

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REVUE PÉDAGOGIQUE

Ce divorce n’existe point dans l’art chinois et dans l’art japonais, parce que ces peuples traditionalistes se développent artistiquement dans l’ordre de leurs conceptions naturelles et héréditaires. Ce divorce n’existait pas non plus pour la même raison, au moyen âge, car tandis que des artistes, au génie incomparable, concevaient le plan de nos cathédrales et en dirigeaient la construction, c’étaient des artisans populaires qui sculptaient ces milliers de figures, statues de saints, d’anges et de démons, d’animaux réels ou fantastiques, images satiriques, malicieuses, grotesques, logées à profusion dans tous les coins, dans lesquelles s’épanouit la vieille gaieté française et que le peuple comprenait. Reportez-vous aux miniatures et aux vieilles estampes : vous prendrez plaisir à y remarquer les images de gracieuses échoppes populaires, telles qu’on en rencontre encore parfois dans le pays flamand, avec un mobilier de style et d’élégants pignons, délicieusement habillés de verdure. Quel contraste avec la nudité géométrique de nos cabarets, leurs meubles d’une repoussante vulgarité, leur décoration de papier peint et de chromolithographies luisantes. Dans cinq cents ans d’ici, n’en doutez pas, les amateurs ne se disputeront point le mobilier populaire de notre temps, comme le font ceux d’aujourd’hui qui ont dévalisé à prix d’or les chaumières de Bretagne ou de Lorraine, de la Normandie ou du Berry.

Que vous dirai-je de la maison moderne du paysan, de l’ouvrier ou même du bourgeois ? de ces chalets cacophones et polychromes qui couvrent la côte ou le Lord de la rivière et forment un si déplorable contraste avec ces vieilles maisons de plus en plus rares qui conservent encore à quelques-unes de nos provinces leur couleur locale ?

Voilà à quelle déformation du goût général nous a conduit cette conception qui a répudié de parti pris ou par ignorance l’expérience accumulée des siècles antérieurs et a rompu avec des traditions d’art qui n’étaient rien d’autre que la floraison spontanée et naturelle de notre génie national.

La place que vous aurez conquise à l’archéologie dans l’éducation publique aura encore pour effet, messieurs, de mettre un frein à ces actes de vandalisme qui, trop souvent, ont mutilé l’aspect historique de nos villes et porté atteinte à la poésie de