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Page:Revue pédagogique, premier semestre, 1923.djvu/119

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CONSCIENCE PROFESSIONNELLE

Au surplus, il faut bien remarquer que l’affaiblissement de la conscience professionnelle, comme d’ailleurs de la conscience morale (ne se pénètrent-elles pas plus intimement chez des éducateurs ?) se produit non de façon brusque, mais graduelle et lente. Il consiste en une suite de petites capitulations dont l’importance peut paraître assez insignifiante si l’on ne considère que chacune d’elles, mais ne devient que trop réelle par leur répétition, ainsi que par la force accrue de l’habitude. Il peut sembler peu grave de manquer une fois à l’exactitude dans l’entrée en classe, la sortie, la longueur d’une récréation, dans la conformité à l’emploi du temps, etc. Mais la pente est glissante. Plus vite qu’on ne le croit, l’habitude endort la réflexion, la conscience, conduirait à une véritable inconscience. Et c’est ainsi que lentement, mais sûrement, l’on en viendrait à tenir pour du « zèle » (et même parfois, — étrange solidarité ! — à reprocher ce « zèle » à d’autres) ce qui n’est que le devoir professionnel tout simplement. Et, de la même façon, sans qu’on y pense, et parce que l’on n’y pense point, on tient bientôt pour normal ou pour un droit ce dont on a indûment déjà usé. En voulez-vous un exemple ? L’Assemblée générale de la Société de secours mutuels a lieu, dans ce département, le samedi, veille de la Pentecôte, et, pour employer les termes mêmes du Bulletin, « les instituteurs et les institutrices qui ont l’intention d’y assister sont autorisés à fermer ce jour-là leur école ou leur classe, à la condition d’en donner avis à leur Inspecteur primaire ». Or il nous arrive de recevoir à cette époque-là des demandes du genre de celle-ci : « Si vous voulez bien m’autoriser, écrit-on, à faire jeudi les classes du vendredi, je disposerai de quatre jours qui me permettront d’aller… ». Nos correspondants sont sans doute étonnés d’apprendre par notre réponse, que le samedi n’est jour de congé, évidemment, que pour permettre d’assister, effectivement il va de soi, à l’Assemblée générale.

Et ces capitulations successives, on en prend d’autant plus facilement l’habitude qu’on les appuie, pour tranquilliser sa conscience, sur des motifs qui ne sont que des prétextes ou, pour les appeler par leur nom, des sophismes de justification. Pour expliquer, par exemple, la non préparation de la classe, on alléguera : j’ai actuellement trop peu d’élèves, — ou, je fais