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Page:Revue pédagogique, second semestre, 1880.djvu/638

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REVUE PÉDAGOGIQUE.

cer son habit de drap quand il sera râpé, usé, hors d’usage ?

Et puis, jamais la moindre petite piècette au fond du porte-monnaie ! Comment s’acheter des livres où même s’abonner à un journal scolaire ?

Il faut avoir passé par là pour sentir et apprécier la pénurie de cette situation qu’on appelle la gêne en habit noir.

Je sais bien qu’on dit que les instituteurs chefs doivent faire quelques sacrifices ; qu’il est désirable à tous les points de vue qu’ils admettent à leur table, à peu de frais, leurs adjoints, leurs collaborateurs, sans lesquels ils ne peuvent rien.

C’est vrai ; mais tout cela c’est du sentiment, et on ne vit pas seulement de sentiment. Je désirerais que les choses se passassent ainsi, que l’instituteur adjoint vécût de la vie de famille de son instituteur directeur, que sa famille fût la sienne, qu’il n’y eût qu’un foyer et qu’une table.

Mais est-ce toujours possible ?

D’abord les instituteurs ne sont pas très riches : leur traitement, quoique bien amélioré sous la République, re leur permet pas de s’écarter beaucoup ; il leur faut tout ce qu’ils ont.

Si un instituteur reçoit à sa table son maître-adjoint, il faut naturellement qu’il exige le prix de la pension. On ne peut guère nourrir un homme à moins de 30 ou 35 sous par jour, soit 45 ou 50 francs par mois.

Un tiers, admis à la table d’une famille, présente encore pour le ménage modeste un autre inconvénient.

Dans la famille, il arrive parfois que l’on se contente de peu. S’il y a plus ou moins un jour, cela passe, on se rattrape sur le pain, sur les restes de la veille, et tout est dit. Mais avec un étranger, avec le maître-adjoint la situa-