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Page:Revue pédagogique, second semestre, 1882.djvu/191

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CHRONIQUE DE L’ENSEIGNEMENT PRIMAIRE EN FRANCE

serment suivant : « Je jure de ne jamais déshonorer ces armes sacrées, de ne jamais abandonner ma place dans la bataille. Je combattrai pour mon pays, que je suis seul ou avec plusieurs. Je ne laisserai pas après moi la patrie diminuée, mais plus puissante et plus forte. J’obéirai aux ordres que la prudence des magistrats saura me donner. Je serai soumis aux lois, à celles qui sont maintenant en vigueur et à celles que le peuple établira ; et si quelqu’un veut renverser ces lois ou leur désobéir, Je ne le souffrirai pas ; je combattrai pour elles, ou seul, ou avec tous ! » (Vifs applaudissements.)

Eh bien, Messieurs, dans ce serment des éphèbes est toute la définition de l’éducation civique. L’éducation civique, c’est la préparation du citoyen complet. Or, celui-là seul mérite ce titre qui connaît et respecte les lois et les institutions que son pays s’est librement données ; celui-là seul mérite ce titre qui est prêt à défendre au péril de sa vie honneur de sa patrie, sa liberté intérieure et l’intégrité de ses frontières. (Très bien ! très bien !)

Ainsi l’éducation civique se compose de deux parts : l’éducation civile et l’éducation militaire ; et ces deux parts concourent ensemble, se réunissent en une œuvre commune et en un but commun, la préparation du citoyen.

… La patrie ne se définit pas par les limites naturelles ; elle ne se définit pas par la langue, par la race ; elle n’a presque rien à démêler avec la géographie, la linguistique, l’ethnographie. La patrie se constitue par le libre et mutuel consentement d’hommes qui veulent vivre sous un régime politique et social qu’ils ont librement créé ou adopté. (Très bien ! très bien !) Elle se cimente par le souvenir des luttes soutenues ensemble pour conquérir cet état social, par la fraternité des champs de bataille, du sang versé, et aussi par les aspirations communes et par les intérêts communs.

Il n’y a d’unité de patrie et de nation que lorsque chacun des membres qui composent cette nation est prêt à périr pour la défense de tous. Provençaux et Gascons à la peau brune ; Flamands, Alsaciens aux cheveux blonds ; gens de la langue d’oc ou de la langue d’oïl ; Bretons fidèles à l’idiome celtique de nos pères, — nous sommes Français pare que nous voulons l’être, parce que nous aimons à l’être, et nous disons à ceux qui s’en vont par le monde l’épée haute, en quête d’une proie : On n’acquiert pas la propriété d’un homme comme celle d’un champ, par la longue possession ; il n’y a pas de prescription contre la liberté humaine. (Salve d’applaudissements.)

Voici en quels termes M. Paul Bert a parlé du moyen âge :

Quant à moi, j’éprouve pour ces temps lointains et sinistres une horreur profonde. Ah ! je sais bien que je choque ainsi des âmes artistiques. Je sais bien qu’il est de mode de vanter la fille poétique du régime féodal, — comme disait Guizot, — la chevalerie, et de chanter les tournois, les mignards discours des pages, des dames et les ménestrels partant de château en château leurs chants de guerre ou d’amour.

Oui, tout cela est séduisant. Oui, je sais qu’il suffit de fermer les yeux et d’avoir de l’imagination pour rebâtir ces ruines qui couvrent notre sol, pour voir sortir, sous la herse de fer levée, devant les remparts aux créneaux garnis d’archers, la grande chevauchée des hommes et des destriers bardés de fer, bannières au vent, trompettes sonnantes, les dames au chaperon vert sur les blanches haquenées. Et, sur cet acier poli, sur ces étoffes précieuses, l’or et les pierreries ruisselant au soleil.

Oui, tout cela est séduisant et tout cela veut attirer les poètes et les artistes. Mais, tandis que défile la brillante chevauchée, voyez-vous là-bas, dans le