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Page:Revue pédagogique, second semestre, 1882.djvu/543

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DE L’ÉDUCATION DES FILLES

moins pour la femme que l’accession aux fonctions publiques et l’admission au suffrage pour l’élection de tous les corps délibérants[1]. Ce qu’il attend d’une réorganisation sociale établie sur ce pied, ce n’est pas seulement le moyen d’ouvrir à la femme de nouveaux débouchés au bénéfice de la famille, ou de prévenir, pour elle-même, la déception, le dégoût, le mécontentement de la vie, « cette masse de petites souffrances que produit le sentiment d’une existence inutilisée ou gaspillée dans des occupations vaines ». L’abolition de cette inégalité oppressive supprimera pour l’homme une cause de dépravation et d’abaissement, tout être raisonnable ne pouvant que perdre à s’abandonner sans frein aux suggestions de l’égoïsme satisfait. De l’apport de la femme au trésor de l’activité commune il voit, de plus, sortir un accroissement du fonds général de la pensée, de l’énergie, de la moralité publique. À ses yeux, enfin, l’égalité est la condition nécessaire de la véritable association conjugale, de celle qui se fonde sur cet idem velle, cet idem nolle, en dehors desquels la communion des intelligences et des sentiments ne saurait exister[2]. Tous ces raisonnements sont enchaînés avec une rigueur de logique qui entraîne, et déduits avec une naïveté de sentiment qui séduit. On se laisse porter par ce courant de considérations élevées et généreuses jusqu’aux conclusions du livre, bien assuré que l’auteur, avec sa bonne foi, ne manquera pas de se faire à lui-même les objections que sa thèse soulève. Et il arrive, en effet, à remarquer que, pour recruter ce corps nouveau de fonctionnaires et cette nouvelle Chambre des Communes, il ne faut guère compter, à être sage, que sur les jeunes filles qui n’ont pas de vocation pour le mariage, et mieux encore sur les veuves, ou sur les femmes mariées de quarante ou cinquante ans, c’est-à-dire sur les grand’mères, qui ont préalablement accompli dans la famille leur première et véritable fonction[3].

Rien ne ressemble moins à l’impression de bien-être moral qui reste, malgré tout, de l’étude du traité de M. Mill, que l’état

  1. L’Assujettissement des femmes, chap. ii.
  2. Id., chap. iv
  3. Id., chap. iv, p. 244.