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Page:Revue pédagogique, second semestre, 1883.djvu/216

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REVUE PÉDAGOGIQUE

conscrits illettrés, près de 25 %, gros chiffre ! L’autre est celui des certificats d’études primaires obtenus en 1882, soit, par rapport au nombre des élèves inscrits dans les écoles, 1.26 pour 100 élèves inscrits : proportion que n’atteignent pas, beaucoup s’en faut, bien des départements. N’est-ce pas la confirmation de ce que j’avais noté à mon passage dans les écoles ? beaucoup d’élèves peu avancés, ignorants même, trop délaissés ; d’autre part, de grands élèves surveillés, soignés, poursuivant bien au delà de l’âge scolaire l’instruction dans des vues tout utilitaires, pour lui demander les moyens de se procurer une fonction, une place, l’idéal du Corse. Si le certificat d’études est ici recherché, envié, c’est, me disait-on, qu’il est un premier titre, un premier pas vers le brevet, la voie ouverte vers une position, vers un métier qui ne soit pas un métier manuel.

VIII

Quelles seront, me direz-vous, les conclusions de ces longues observations ? Ce sera d’abord de poursuivre énergiquement l’amélioration matérielle commencée, celle des locaux et des mobiliers : cela est de toute nécessité. Ce sera d’y joindre l’amélioration intellectuelle, pédagogique ; il importe sans doute d’avoir des locaux suffisants et convenables ; il importe aussi d’avoir de bons maîtres pour les occuper. Ce serait encore (et à ceci j’attacherais une importance particulière) qu’on n’oubliât pas l’amélioration morale, celle des élèves par le maître. Retranché derrière sa mer souvent agitée, dans ses hautes montagnes, dans ses bois inextricables, le Corse a gardé je ne sais combien de préjugés d’un autre âge, celui-ci par exemple que le travail n’est pas fait pour l’homme vraiment digne de ce nom, pour celui qui se respecte, que c’est œuvre inférieure, servile, qu’il abaisse, humilie. Allez aujourd’hui encore dans un village corse ; les hommes sont là réunis, à l’ombre en été, au soleil en hiver, fumant gravement leur pipe, ne faisant rien ; ce sont les femmes qui travaillent[1], ou bien encore ces Italiens mercenaires qu’ils

  1. Le hasard m’avait rapproché d’un ménage parisien qui, après avoir passé quelques mois d’hiver à Nice, s’était résolu à faire le voyage de Corse qui commence à être de bon ton. En voyant la femme corse ainsi travailler et