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Page:Revue pédagogique, second semestre, 1883.djvu/46

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REVUE PÉDAGOGIQUE

Les écoles primaires sont au nombre de 112. Elles ont une population scolaire de 3,480 élèves, ce qui donne une moyenne de 30 enfants par école. Je ne parle ici que de celles de la capitale. Ces établissements sont absolument privés, c’est-à-dire qu’ils sont tenus par des maîtres que les parents paient eux-mêmes (de un à cinq francs par mois) et qui ne reçoivent aucun secours, soit du gouvernement beylical, soit de la commission chargée de l’administration des biens habous[1]. Tout individu sachant le Coran peut tenir une de ces écoles après avoir obtenu l’autorisation de l’administration. L’enseignement que les enfants y reçoivent se borne à la lecture, à l’écriture et à l’étude du Coran. Il est donc avant tout religieux. L’élève doit être muni d’une planchette en bois sur laquelle il écrit, sous la dictée du maître, des versets du livre sacré. Chaque jour il est tenu de réciter, sans commettre la moindre faute, le texte écrit sur l’un des côtés de la planchette qu’il lave ensuite pour écrire la partie qui continue le texte qui se trouve de l’autre côté. À l’heure de la dictée, tous les élèves se réunissent en cercle autour du maître qui, sans le secours d’aucun livre, dicte à chacun d’eux ce qu’il doit écrire, de sorte qu’il est obligé de se rappeler, dans un même temps, les termes de quinze ou vingt chapitres différents. Tout cela se fait sans ordre et sans méthode. Jamais aucune explication n’est donnée à l’étudiant sur la grammaire, le sens des mots, l’histoire, etc. Le moueddeb[2] serait du reste fort embarrassé de le faire, car, en dehors du Coran, il ne sait absolument rien, le plus souvent, et il ignore les choses qui nous paraissent les plus élémentaires. Cet enseignement se continue tant que les enfants ne savent pas entièrement par cœur le livre de Dieu, ce qui demande en moyenne cinq années. Il en est beaucoup qui quittent l’école avant d’avoir obtenu ce résultat, soit pour apprendre un mélier ou se livrer au commerce, soit par dégoût pour l’étude. L’enseignement donné aux enfants par les indigènes s’adresse donc complètement à la mémoire et rien qu’à elle. Leur jugement n’est

    naissant les langues des peuples de l’Europe et façonnés à leurs mœurs. Cet établissement avait été très richement doté ; malheureusement l’incurie du gouvernement et les irrégularités d’une administration insouciante ou coupable l’ont privé d’une grande partie de ses revenus.

  1. On appelle biens habous des biens immobilisés en faveur d’une mosquée, d’une école, d’un établissement de bienfaisance, des pauvres des deux villes saintes la Mecque et Médine, etc. Toute propriété, constituée habous, est inaliénable, et ses revenus doivent être nécessairement employés à l’objet auquel ils étaient destinés. En Tunisie, un grand nombre de mosquées et de medâres ont des habous importants qui, bien administrés, permettraient d’entretenir des professeurs et des élèves nombreux. Malheureusement leurs revenus sont dilapidés.
  2. Le moueddeb est, à proprement parler, celui qui est chargé de l’éducation. En Tunisie les maîtres primaires portent ce nom. En Algérie, on les appelle cheïkh (littér. vieillards), derrar, tâleb.